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L’ASTROLABE À TONGA-TABOU.

hêlèrent de nouveau d’envoyer à terre un officier et quelques hommes sans armes. Mais les fusils, les baïonnettes et les lances des naturels se montraient avec leurs têtes au-dessus des palissades, et faisaient voir clairement que cette démarche couvrait un piége assez grossier.

Las enfin de voir toutes les voies de douceur échouer contre l’obstination des sauvages, à dix heures dix minutes, je réunis dans ma chambre tous les officiers commandans de quarts ; et, après leur avoir exposé l’inutilité de mes efforts pour en venir à des moyens de conciliation, je leur déclarai que j’étais décidé à commencer immédiatement le feu, si leur opinion était d’accord avec la mienne. J’eus la satisfaction de les voir tous se ranger à mon avis ; à dix heures et demie, le feu commença, et le premier boulet coupa en deux une des grosses branches du figuier de l’entrée. Les naturels postés au-dessous se levèrent précipitamment, et s’enfuirent en poussant de grands cris qui étaient répétés par les détachemens placés sur les divers points de Mafanga. Ces cris aigus et perçans, sortis des épais et sombres bocages que dominaient les cimes élégantes de plusieurs centaines de palmiers, produisirent un effet bizarre et lugubre : on eût dit que les âmes des morts qui reposaient dans ces lieux venaient de se réveiller pour se plaindre de voir leur dernier asile profané.

Du reste, aux coups suivans, les naturels gardèrent un profond silence. La hauteur et l’épaisseur de leurs remparts suffisaient pour garantir l’intérieur du village de l’atteinte de nos boulets ; quelques-uns seulement, en rencontrant les troncs des cocotiers et les charpentes des plus hautes cabanes, qu’ils mettaient en pièces, produisaient un grand fracas accompagné de quelque dommage ; mais nos efforts contre les palissades devinrent inutiles. Les sauvages s’accoutumèrent si bien à l’effet de notre artillerie, qu’aussitôt le coup parti ils se levaient quelquefois pour aller chercher ceux des boulets qui allaient s’enterrer dans le sable des fortifications.

Dès le premier coup de canon, nos hommes avaient disparu. Cela me confirma dans l’idée que les naturels n’avaient