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L’Échelle de soie,
CONTE MILITAIRE.

— Vous ne sauriez croire, me dit-il, tout ce qu’il y a de charme et d’innocence dans un bain de femmes turques ; ignorant comme vous êtes, vous avez tort d’en parler si légèrement.

À ces mots, le vieux général reprit sa pipe, il s’enfonça dans son fauteuil, il croisa les jambes, et il retomba tout entier dans cette rêverie toute éveillée qui fait tout le charme du tabac de la Havane, cet opium bâtard de nous autres orientaux de Paris ou de Saint-Cloud.

La conversation finit là. Je me levai, et, à l’autre extrémité du salon, je fus saluer la fille du général, Fanny, jolie personne, rieuse et folle, qui, sous ce nuage de fumée, paraissait aussi nette et aussi brillante qu’une belle gravure de Wilkie sous un verre sans défaut qui lui donne plus de poli et d’éclat.

C’est un charmant contraste celui-là. Le vieillard qui se fait poète dans une ondoyante fumée, et, tout au milieu de cette fumée, une jeune fille qui respire et qui chante ; vous la voyez comme une apparition au-delà des sens : à peine vous distinguez son visage, elle n’a plus d’ombre ni de souffle ; c’est une femme qui s’est trompée d’élément. Mais j’é-