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VOYAGES.

l’on ne peut douter que la pluie violente qui n’a cessé de leur battre les épaules, n’ait beaucoup refroidi leur ardeur guerrière. À six heures, le coup de canon de retraite a été tiré à mitraille sur Mafanga.

Notre position est devenue plus critique que jamais ; si nos ancres venaient à manquer, nous serions jetés sur les récifs, et là, notre destruction serait inévitable ; nous serions en un instant enveloppés par des milliers de barbares acharnés à notre perte. Aussi je vois l’anxiété peinte sur toutes les figures de l’équipage ; ces hommes qui, les jours passés encore, couraient avec ardeur au combat, et eussent bravé des centaines de naturels, pâlissent à l’aspect du danger qui nous menace, et semblent me reprocher tacitement mon imprudence et mon obstination. Quelques membres même de l’état-major, en tout autre temps si calmes, si dévoués, si intrépides, ne paraissent envisager qu’avec inquiétude et consternation notre position actuelle près des récifs de Mafanga. Tant il est vrai qu’il faut un tout autre courage pour attendre de sang-froid une catastrophe contre laquelle il est impossible de lutter, que pour se jeter les armes à la main au travers des plus grands périls !…

Dans la soirée, M. Lottin m’a communiqué l’avis que plusieurs hommes de l’équipage n’attendent que l’instant favorable pour enlever une embarcation et se réunir à ceux de leurs camarades qui se trouvent déjà parmi les sauvages. J’ai remonté à la source de cet avis, et j’ai vu qu’il n’était malheureusement que trop fondé. Comme je l’avais signifié aux sauvages, mon intention était effectivement de rester devant Mafanga, et de les canonner jusqu’à ce qu’ils consentissent à me renvoyer les prisonniers. Mais la conviction que je viens d’acquérir des mauvaises dispositions de l’équipage, me force à modifier cette résolution, Je suis décidé à passer seulement devant Mafanga la journée de demain : si après-demain matin le vent est bon, et que les insulaires ne m’aient fait aucune proposition, je remettrai à la voile, quoi