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VOYAGES.

lais du gouverneur et celui de l’intendant, qui en occupent les deux faces principales. Cette place est ornée de statues, de vases, de fleurs, de plantes indigènes et exotiques, coupée de jolies allées sablées, et entourée de bancs de pierre avec des dossiers en fer ; le soir, elle est très-bien éclairée. Je ne saurais trop dire de quelle architecture sont les deux palais qui la décorent ; mais ils ont de la grandeur, une blancheur éclatante, des arcades, de hautes fenêtres, des soldats aux portes ; et tout cela a très-bonne physionomie. Vis-à-vis le palais du gouverneur est une chapelle élevée en mémoire de la première messe, qui, à la découverte de l’île, se célébra dans cet endroit, à l’ombre d’un immense ceiva, qui existait encore il y a peu d’années.

Il n’y a pas, je crois, de rues plus sales au monde que celles de la Havane. On ne peut guère marcher que le long des maisons, un à un, éclaboussé par les volantes qui se croisent, arrêté par les charrettes qui portent le sucre et le café, et par des files immenses de mules, de nègres, de capucins, d’enterremens et de processions qui se succèdent sans interruption. Malheur à vous si vous rencontrez le Saint-Sacrement à pied, pendant que vous êtes en voiture ; il vous faut descendre sur-le-champ et le conduire dans votre volante où bon lui semble. Le milieu de la rue, creusé par les charrettes, offre une succession de montagnes, de lacs et de précipices, qu’il est difficile d’affronter à pied. En été, quand il a plu long-temps de suite, l’eau s’élève à trois et quatre pieds, coule avec la rapidité du torrent, entre dans les volantes, et entraine souvent les chevaux. La population de la Havane est de cent vingt mille âmes, et il y a des endroits où la cohue est telle, qu’on ne sait comment en sortir.