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ÎLE DE CUBA.

armés de poignards et de pistolets. Les rues étaient désertes. Nous avions trois chevaux à chaque volante, et deux nègres avec deux domestiques armés suivaient à cheval. Un soleil éclatant se leva dans le ciel aussitôt que nous eûmes dépassé les portes de la ville, et nous relayâmes à un petit bourg nommé Hoyo Colorao. — Dans certains endroits, les chemins sont aussi unis qu’un parquet ; et dans d’autres, ils sont presque impraticables.

À onze heures, nous arrivâmes à Guanajai, village qui intra muros et extra muros, compte 7,000 habitans. Nous descendîmes chez le comte de Gibacoa, où nous passâmes la journée, et où nous couchâmes. Son fils nous mena voir ses coqs ; il en avait alors cent cinquante, dont plusieurs étaient estimés sept et huit cents francs. Il nous montra leur caserne, où ils étaient tenus avec le plus grand soin, ainsi que leur infirmerie, où l’on loge ceux qui reviennent blessés du champ de bataille. Nous dînâmes avec une dixaine de jeunes gens, ses parens, et montant tous en volante, à travers les montagnes et les vallées, par le plus beau pays du monde, nous allâmes, au clair de la lune, à la sucrerie de M. de Montalve. Madame de Montalve est très-jolie, et nous accompagna dans la visite que nous fîmes à cet établissement, chose aussi nouvelle qu’intéressante pour moi, et où je vis faire le sucre, depuis le moment où on exprime le jus de la canne jusqu’à celui où il est en pain, éclatant de blancheur. C’est là que je bus pour la première fois de l’excellent guarapo (qu’on appelle, je crois, sirop de batterie en français), délicieux breuvage, et très-bon pour les poitrinaires. On engraisse les nègres avec ce sirop, qu’on leur laisse à discrétion. L’air et l’odeur d’une sucrerie guérissent,