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VOYAGES.

crevasses, des abcès ; on a la fièvre, une démangeaison insupportable. Si l’on touche la sève de l’arbre, on court le risque, dit-on, de perdre la main. Les deux Jouve avaient déjà pénétré une fois dans ce bois, et tous les deux en étaient revenus malades, ayant, l’un très-mal au pouce, où il fut obligé de subir une opération dont il souffrit pendant trois mois ; l’autre, étant, de la tête aux pieds, couvert de boutons qui durèrent plus de huit jours, avec des douleurs horribles. L’acétate de plomb dans lequel il se baignait, pouvait seul soulager ses souffrances.

Le matin, on avait envoyé des nègres couper tous les arbres et arbrisseaux qui auraient pu nous présenter quelques obstacles. Nous pénétrâmes dans le bois, mais ce n’était que du coin de l’œil que je regardais ce grand guao avec ses larges branches, ses feuilles courtes et minces comme une épingle, et je traversai à regret l’ombre redoutable qu’il étendait sur le terrain que j’avais à gravir ! Un de ces guaos, très-élevé, avait été marqué à coups de hache, et d’une grande entaille découlait une liqueur brune, qui m’aurait donné des soupçons, quand même je n’aurais pas su de quel arbre elle sortait. Hors du bois, nous grimpâmes à genoux, avec peine, sur des herbes sèches et glissantes ; mais bientôt enfin, nous arrivâmes à la moins élevée des deux pointes, d’où nous jouîmes d’un des coups d’œil les plus beaux et les plus imposans qu’on puisse imaginer. — Des deux côtés, la mer ! Nous voyions par-dessus l’île, au sud et au nord : au sud, l’île de Pinos bien éloignée à l’horizon, et beaucoup d’autres plus rapprochées ; puis des montagnes, des vallées, des villages, des sucreries, des routes, la vaste plaine de San-Marco, le village de Guanajai, et au pied du Monte-Pe-