Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/472

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
456
VOYAGES.

En fait de curiosités rapportées de San-Salvador, était un certain bois nommé dagilla. Il ne se trouve que dans ces montagnes et celles de Cusco. En coupant l’écorce, et en la divisant en dix, vingt, trente morceaux, dans toute la longueur de la branche, on a autant de morceaux de dentelle, de vraie dentelle, très-fine, et d’une grande blancheur ! — J’en rapportai aussi un caméléon, que je vis mourir et changer de couleur à son dernier moment.

La veille de mon départ, G. avait fait mettre le feu à des herbes sèches sur la montagne, dans un endroit où il voulait planter du café. L’herbe brûla, le vent poussa la flamme du côté du bois, elle gagna en très-peu de temps les branches les plus élevées des palmiers et les profondeurs de la forêt, à travers les lianes les plus épaisses, les fourrés les plus impénétrables ; une fumée noire commença à se faire jour, et à tourbillonner lourdement dans l’air. Bientôt la flamme jaillit de tous côtés, avec un bruit de foudre ; ce n’était plus qu’un océan de feu, sifflant de branche en branche, pétillant, volant de cime en cime, et embrasant tout ce qu’il atteignait. Un beau ceiva, immense colosse de la montagne, que je croyais, par sa hauteur, à l’abri de l’incendie, eut tout son feuillage brûlé aussi vite que le serait une plume sur une bougie allumée ! Lorsque tout notre côté de la montagne fut consumé, l’incendie descendit de l’autre ; nous pouvions juger de sa force aux nuages épais de fumée qui s’en élevaient, et à la pluie d’étincelles qui venaient tomber jusque sur nous. Quoiqu’il ne fût que trois heures après midi, le jour était si obscurci, qu’on ne pouvait lire dans le salon. Le soir cependant, le feu était éteint, seulement