ger avec son adversaire, et dissimuler après la lutte pour obtenir au moins sa part légitime. On aurait dit volontiers de chacun d’eux ce que l’on disait de chaque instinct des peuples : faites-vous petits, soyez le moins possible pour tenir tous ensemble sous les Fourches Caudines. À la vérité, nous sentions bien que dès que la vie commencerait, elle entraînerait dans son cours nos artificielles combinaisons, et que notre machine se détraquerait au premier mouvement ; ce moment est venu.
Après que les merveilles de l’empire furent tombées, il y eut du bonheur, on ne peut le nier, à se réfugier sous ces conceptions de l’idéal, qui du moins nous voilaient le présent. Nous nous mîmes à peser l’avenir, qui échappait de nos mains, avec ces conquêtes philosophiques que nous faisions sur nous-mêmes ; et il nous parut qu’un malheur qui donnait une profondeur si vaste et une originalité si créatrice au génie de la France n’était pas sans compensation. Long-temps nous restâmes ainsi convaincus que nous assistions à l’une de ces époques décisives qui changent la face de la science, jusqu’à ce que ceux qui s’étaient le plus écartés finirent par s’apercevoir que ces dogmes philosophiques ne nous appartenaient pas, et que cette résignation dans la défaite était encore un don de nos vainqueurs. Alors, nous l’avouerons, il y eut pour nous une heure amère : ce fut celle où nous reconnûmes en effet que ces systèmes auxquels nous avions livré notre âme n’étaient que le reflet inconsistant, que l’ombre confuse et décevante des théories déjà chancelantes en Allemagne. Tout ce que nous pensions émané librement du génie national, nous le retrouvions là, non par débris, mais complet sur sa base, et déjà près de sa ruine. Nous avions accepté pour