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LITTÉRATURE.

— Très-exact ! très-historique ! murmurait sourdement la science du docteur ; car Malmsbury dit positivement que Guillaume commença l’engagement par le chant de Roland :

« Tunc cantilenâ Rolandi inchoatâ ut martium viri exemplum pugnatores accenderet. »

Et Warton, dans ses Dissertations, dit que les Huns chargeaient en criant : Hiu, hiu ! C’était l’usage barbare.

Et Jean-de-Wace, donc, ne dit-il pas de Taillefer le Normand :

« Taillifer, qui moult bien chantout,
» Sorr un cheval qui tost alloul,
» Devant le duc allout chantant
» De Karlemagne et de Rollant,
» Et de Olivier et des vassals
» Qui moururent à Rouncevals. »

— Et les deux races se mesurent, disait Stello avec ardeur, en même temps que le docteur récitait avec lenteur et satisfaction ses citations ; la flèche normande heurte la cotte de maille saxonne. C’est le sire de Châtillon qui attaque le carl Aldhelme ; le sire de Torcy tue Hengist. La France inonde la vieille île saxonne ; la face de l’île est renouvelée, sa langue changée ; et il ne reste que, dans quelques vieux couvens, quelques vieux moines, comme Turgot et Rowley, pour gémir et prier auprès des statues de pierre des saints rois saxons, qui portent chacun une petite église dans leur main.

— Et quelle érudition ! s’écria le docteur. Il a fallu joindre les lectures françaises aux traditions saxonnes. Que d’historiens depuis Hue de Longueville jusqu’au sire de Saint-Valery ! le vidam de Patay, le seigneur de Picquigny, Guillaume des Moulins, que Stowe appelle Moulinous, et le prétendu Rowley du Mouline ; et le bon sire de Sanceaulx, et le vaillant sénéchal de Torcy, et le sire de Tancarville, et tous nos vieux faiseurs de chroniques et d’histoires mal rimées, balladées et versiculées ! C’est le monde d’Ivanhoë.

— Ah ! soupirait Stello, qu’il est rare qu’une si simple et