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RÉVOLUTIONS DE LA QUINZAINE.

le quitter jamais. Pour cela, le diable pousse Robert de toutes ses forces. Robert perd au jeu, Robert manque à l’appel du tournoi, Robert va signer l’engagement infernal, Robert est ramené par l’horloge qui sonne minuit, l’heure fatale ! Voilà tout le poème. Heureusement le musicien est un grand musicien, et l’Académie royale de Musique est plus que jamais le grand Opéra. Il y a des choses admirables dans ces cinq actes ; il y a de délicieux détails dans cette mise en scène. La scène de jeu au premier acte, le ballet du second, l’admirable décoration du troisième, ce sont là de très-belles choses, il faut que je vous raconte le troisième acte tout entier.

Nous sommes dans un monastère abandonné. Les murs tombent en ruines. Les tombeaux silencieux sont chargés de statues blanches. Les rayons mystérieux de la lune éclairent le triste intérieur de leur pâle clarté. Tout à coup une musique se fait entendre. Ces espèces de tombeaux se dressent sur toute leur hauteur, les statues immobiles reviennent au mouvement et à la vie. C’est une foule d’ombres muettes qui glissent à travers les arceaux. Toutes ces femmes dépouillent leur costume de nonnes, elles secouent la poudre froide des tombeaux ; tout à coup elles se rejettent dans les délices de leur vie passée ; elles dansent comme des bacchantes, elles jouent comme des milords, elles boivent comme des sapeurs. Quel plaisir de voir ces femmes légères qui s’agitent au milieu de cette douteuse lumière ! Mademoiselle Taglioni prodigue dans ce ballet toute son élégance et toute sa grâce. Tout cela est d’un bel et puissant effet !

Quel dommage si l’admirable danseuse avait eu les deux jambes brisées, comme cela aurait pu arriver par la chute du plus lourd des nuages qui est tombé tout à coup du cinquième ciel.

Au reste les accidens ont été fort nombreux dans cette soirée. L’arbre d’une forêt, tout chargé de lumières et de quinquets, a pensé écraser mademoiselle Dorus au milieu d’une chanson champêtre ; puis, à la dernière scène du dernier