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SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE LONDRES.

silence la boussole, le baromètre, et nos autres instrumens, comme choses au-dessus de leur intelligence ; mais quand nous versâmes le mercure pour obtenir un horizon artificiel, ils laissèrent échapper un cri de surprise et d’admiration. Leur intelligence et leur curiosité contrastent avec l’apathie des Maures ; ils ont un air de liberté qu’on ne trouve pas dans les plaines, des formes belles et athlétiques, une taille petite, des traits peu marqués, le teint clair. Le goître est inconnu chez eux ; nos interprètes n’entendaient pas plus leur langue que généralement eux-mêmes n’entendent l’arabe. Des Juifs qui habitent cette vallée nous servirent de truchemens, et nous firent obtenir une centaine de mots du langage de ces montagnards. Ils ont pour demeure des cabanes en pierres brutes liées avec de la boue, et à toits d’ardoise légèrement inclinés. Leur principale occupation est la chasse. Ils communiquent fort peu avec les Arabes et les Maures de la plaine. Partout où la vallée offrait un point susceptible de culture, il était enclos et cultivé. Ces braves gens se montrèrent hospitaliers et généreux pour nous. Dans chaque village, nous trouvâmes plusieurs familles juives qui y sont venues chercher un asile contre la dégradation, et les taxes qui les écrasent dans les villes. La population de ces villages, qui sont au nombre de dix, est de quatre à cinq mille âmes, dont un quart de race juive. On trouve dans la vallée du salpêtre, et on y fait de la bonne poudre. Des mines de cuivre ont été, dit-on, exploitées dans les parties élevées. Combien ces retraites centrales de l’Atlas sont peu connues ! La race des montagnards que nous y avons trouvée est certainement un peuple moins mêlé, plus original que beaucoup d’autres ; et c’est à peine si on sait quelques mots de sa langue. Il y a encore là un vaste champ à exploiter.

» Nous continuâmes encore à monter pendant deux heures ; le sol était mal couvert d’une herbe rare et de cèdres rabougris. Enfin nous atteignîmes la limite des neiges ; nous avançâmes même au-delà, jusqu’à ce qu’il devînt impossible de marcher. Alors nos guides déclarèrent qu’ils n’iraient pas plus