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SCÈNES HISTORIQUES.

nous entr’ouvrions la porte ogive du premier étage pour traverser, sans nous y arrêter, cette première pièce, que dans la distribution moderne de nos appartemens nous appellerions une anti chambre ; que, marchant sur la pointe du pied et retenant notre haleine, nous soulevions la tapisserie à fleurs d’or qui sépare cette pièce de la seconde, nous verrons un spectacle qui, au milieu de la longue description que nous venons de faire, mérite une mention particulière.

Dans une chambre carrée comme la tour dont elle forme le premier étage, éclairée par un jour qui perce avec peine les rideaux d’étoffe à fleurs d’or, qui tombent devant d’étroites fenêtres à vitraux coloriés, sur un de ces lits gothiques et larges à colonnes ciselées, une femme, encore belle, quoiqu’elle ait passé le premier âge de la jeunesse, est couchée et endormie. Du reste, le crépuscule qui règne dans la chambre semble bien plutôt un calcul de la coquetterie qu’un accident du hasard ; certes, ces demi-teintes, qui n’ôtent rien à la rondeur des formes qu’elles adoucissent prêtent un merveilleux secours au poli de ce bras qui pend hors du lit, à la fraîcheur de cette tête posée sur une épaule nue, et à la finesse de ces cheveux dénoués dont une partie s’éparpille sur le traversin, tandis que l’autre accompagne le bras pendant, dépasse l’extrémité des doigts, et tombe jusqu’à terre. Peut-être, au grand jour, ces lèvres, qu’entr’ouvre une respiration chaude et rapide, perdraient-elles de leur beauté en laissant apercevoir l’expression impérieuse et fière qui leur est habituelle ; peut-être au premier abord serait-on frappé désagréablement du contraste heurté de ces cheveux d’un blond presque doré, avec ces sourcils d’un noir d’ébène, types caractéristiques des races du nord et du midi, qui, se croisant dans cette femme, formaient une beauté étrange, et avaient donné à la fois, à son cœur, les passions ardentes de la jeune Italienne, et à son front la hauteur dédaigneuse de la princesse allemande.

Aurons-nous besoin de mettre le nom au bas de ce portrait, et nos lecteurs n’ont-ils pas reconnu à notre description