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LES FEUILLES D’AUTOMNE.

Le récent ouvrage de M. Victor Hugo, auquel toute notre digression préliminaire ne se rattache qu’autant qu’on le voudra bien et qu’on en saisira la convenance, les Feuilles d’Automne nous paraissent, comme à tout le monde, son plus beau, son plus complet, son plus touchant recueil lyrique. Nous avons entendu prononcer le mot de nouvelle manière ; mais, selon nous, dans les Feuilles d’Automne, c’est le fond qui est nouveau chez le poète plutôt que la manière. Celle-ci nous offre le développement prévu et l’application au monde moral de cette magnifique langue de poésie, qui, à partir de la première manière, quelquefois roide et abstraite, des Odes politiques, a été se nourrissant, se colorant sans cesse, et se teignant par degrés à travers les Ballades jusqu’à l’éclat éblouissant des Orientales. Il est arrivé seulement que durant tout ce progrès merveilleux de son style, le poète a plus particulièrement affecté des sujets de fantaisie ou des peintures extérieures, comme se prêtant davantage à la riche exubérance dont il lui plaisait de prodiguer les torrens, et qu’il a, sauf quelques mélanges d’épanchemens intimes, laissé dormir cette portion si pure et si profonde dont sa jeune âme avait autrefois donné les plus rares prémices. Pour qui a lu avec soin les livres iv et v des odes, les pièces intitulées l’Âme, Épitaphe, et tout ce charmant poème qui commence au Premier Soupir et qui finit par Actions de grâces, il est clair que le poète, sur ces cordes de la lyre, s’était arrêté à son premier mode, mode suave et simple, bien plus parfait que celui des Odes politiques qui y correspond, mais disproportionné avec l’harmonie et l’abondance des compositions qui ont succédé. On entrevoyait à peine ce que deviendrait chez le poète cette inspiration personnelle élevée à la suprême poésie, en lisant la pièce intitulée Promenade, qui est contemporaine des Ballades, et la Pluie d’été, qui est contemporaine des Orientales ; le sentiment en effet, dans ces deux morceaux, est trop léger pour qu’on en juge, et il ne sert que de prétexte à la couleur. Il restait donc à M. Victor Hugo, ses excursions et voyages