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LITTÉRATURE.

— « Écoute, ma sœur, n’y mets pas d’entêtement : depuis que j’ai eu le malheur de la perdre, je n’ai eu d’autre consolation que de la peindre de souvenir : tiens, voici son portrait, regarde ; qu’en dis-tu ? »

— « Eh ! mais, je dis que c’est Henriette. »

— « Encore ? est-ce une gageure ? »

— « Mais non, juge toi-même ; tiens, prends dans mon secrétaire son portrait qu’elle m’a donné ces jours-ci ; ne sont-ce pas deux copies d’un même modèle ? »

Théodore ne répondit rien : un cerf-volant, rappelé brusquement par la ficelle invisible qui le dirige, ne tombe pas plus lourdement du ciel à terre.

Il rentra dans sa chambre, prit dans son armoire ses vêtemens les plus neufs, chiffonna quatre chemises et le double de cravates, se couvrit d’essences et de parfums, et lorsque sa sœur fut sortie, il se rendit droit chez monsieur et madame Rauer, et dans un discours qu’il avait préparé à l’avance, tout en faisant cette brillante toilette, il leur exposa humblement que l’accroissement de son revenu lui ayant permis de songer à se marier, il venait les supplier de lui accorder la main de leur fille aînée, Henriette.

— « Eh ! d’où sortez-vous, mon beau monsieur Théodore ? Notre chère enfant est partie depuis six jours pour Stockholm, avec son mari, monsieur le conseiller de légation Hurbrand, un parti solide, un mariage avantageux. La pauvre enfant a été bien raisonnable. »

Madame Rauer n’avait pas achevé sa phrase, que Théodore était tombé à la renverse.

— « Je ne comprends pas cette petite fille, dit M. Rauer en le relevant ; s’amouracher d’un fou ! »

— « Qui a des attaques d’épilepsie, » ajouta madame Rauer.

XII. — CONCLUSION.

— « Ce petit Théodore, il faut en convenir, est né sous une heureuse étoile, se dit monsieur Staarmatz en apprenant sa