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de qui bon lui semblerait. Le malheureux ne possédait rien au monde : c’était là surtout son crime ! — Il avait cependant fait son testament entre les mains du frère Pedro, léguant à Mariquita les 500 réaux qu’on lui donnait. — À lui cette fortune lui coûtait cher ! — La malheureuse en paierait cher aussi l’héritage ! — Vers une heure du matin, Guzman avait reçu l’extrême-onction de la capilla. C’est une étrange invention que ce sacrement ainsi modifié à l’usage de la capilla. Comme l’église n’accorde pas l’extrême-onction ordinaire aux condamnés à mort, afin d’y suppléer un peu, afin qu’ils n’en perdent pas absolument le bénéfice, on leur fait réciter un pater et un ave pour chacune des parties du corps qui serait touchée par les saintes huiles. Le jeune homme s’était prêté avec une grande docilité à cette singulière fantaisie de piété. Il avait courageusement récité tout ce qu’on avait voulu de prières. — Il n’avait pas moins exemplairement subi les nombreuses visites de moines de toute espèce, de toute couleur, qui l’étaient venus successivement exhorter durant la nuit, disputant au malheureux, sans pitié, les chances de sommeil que lui pouvait laisser l’entier épuisement de ses forces. Il avait écouté avec une patience inexprimable, une inexprimable douceur, de charitables allocutions de ces visiteurs qui le félicitaient de n’avoir à subir qu’une peine trop douce encore pour l’énormité de son crime. — Ainsi poursuivi et tourmenté, ayant refusé depuis vingt-quatre heures de prendre la moindre nourriture, il s’était trouvé le matin tellement exténué, qu’il semblait avoir à peine conservé un souffle de vie. —

C’était là, bien qu’en abrégé, l’histoire des dernières souffrances de Guzman. Tout cela s’était passé depuis ma fuite de la capilla, après la messe de mariage. L’amertume et l’indignation perçaient dans ce récit du frère Pedro. Cette âme tendre et compatissante s’était ulcérée au spectacle de tant de persécutions accumulées sur une seule pauvre et fragile créature. — « Oh ! dites, frère Pedro, ce n’est pas ainsi que vous eussiez voulu consoler, vous, homme de paix et de charité ! »

Cependant le condamné n’avait pas encore subi toutes ses