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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/25

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DE L’ALLEMAGNE.

préparé ; lui persistait dans sa chimère d’une réforme à huis-clos. Il arriva même à croire que la réforme intérieure était tellement indépendante de l’état extérieur du pays, que ces deux choses pouvaient subsister et s’accroître dans deux ordres inverses. En sorte, que chaque progrès au-dedans serait racheté par une perte au-dehors, et qu’une demi-liberté civile serait payée à l’étranger par une entière soumission politique. Soit, aveuglement sincère, soit plutôt que l’honneur national ait été traité de telle sorte sous l’ancien gouvernement, qu’un autre ait pu croire en vérité qu’il ne valait pas la peine de garder ce qui pouvait en rester, chaque effort de la France pour se relever au-dedans est ainsi marqué par une chute au-dehors. On se laisse arracher les lambeaux d’une loi électorale, — mais au moins on la paiera par le sacrifice et le sang de l’Italie ; on ne peut tant faire que d’ajourner plus tard l’organisation municipale, — mais au moins pour cela on fera l’abandon de la Belgique. Enfin, l’institution de la pairie est menacée, il faut l’abandonner ; — mais pour cette large part faite à l’esprit du pays et à la nécessité, que reste-t-il à livrer en échange ? Songez que pour la conquête la plus importante de la révolution, il faut un tribut égal. Que fera-t-on ? Le Rhin est abandonné, le Luxembourg est livré, la Belgique est désertée. Il faut aller plus loin ; on creusera le tombeau de la Pologne, et au prix de ses funérailles, on mettra à l’encan le manteau de la pairie.

C’est-à-dire que la France sera amenée en cette contradiction, que plus sa constitution intérieure se fortifie, plus son poids diminue au-dehors, et qu’on lui fera perdre dans le droit européen tout ce qu’elle aura gagné dans son droit politique et privé. Il est des états que l’on conduit tranquillement à leur ruine avec une certaine harmonie de toutes les parties, laquelle ménage les secousses et les brisemens dans la chute. Mais c’est une condition particulière à la France que ses progrès d’un côté qui servent de l’autre à son épuisement, que sa force qui se retourne contre elle, que ses victoires qui la tuent, que ses garanties qui s’achètent par son indépendance, et que sa liberté qui lui crée autour d’elle une solitude que le despotisme n’avait