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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/274

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REVUE DES DEUX MONDES.

d’entre eux qui, d’avance, ont prêté serment de vendre plutôt Paris aux Anglais que de le rendre aux Bourguignons seront épargnés.

— Et à quoi les reconnaîtra-t-on, interrompit le potier d’étain, avec une précipitation qui annonçait l’importance qu’il attachait à cette nouvelle.

— À un écu de plomb portant d’un côté, une croix rouge, et de l’autre le léopard d’Angleterre.

— Moi, dit un écolier en montant sur une borne, j’ai vu un étendard aux armes du roi Henri, il avait été brodé au collége de Navarre, qui n’est composé en entier que d’Armagnacs, et les maîtres devaient le planter sur les portes de la ville.

— À sac, à sac le collége, dirent plusieurs voix qui heureusement s’éteignirent l’une après l’autre.

— Moi, dit un ouvrier, ils m’ont fait travailler vingt-cinq jours à leur grande machine de guerre qu’ils appellent la griète, et quand j’ai été demander mon argent au prévôt, il m’a dit : « Canaille, n’as-tu donc pas un sou pour acheter une ficelle et t’aller pendre ? »

— À mort ! à mort ! le prévôt et le connétable ! vive les Bourguignons !

Ces cris eurent plus d’écho que ceux qui les avaient précédés et furent bientôt répétés par toutes les bouches.

Au même instant, on vit briller, à l’extrémité de la rue, les lances d’une compagnie franche, composée de Génois au service particulier du connétable.

Alors commença l’une de ces scènes dont nous avons parlé, et que nous n’avons pas besoin de peindre, certains que nous sommes que chacun de nous peut s’en faire une idée. Hommes, femmes et enfans se mirent à fuir en jetant des cris affreux. La troupe se déploya dans toute la largeur de la rue, et comme un ouragan chasse les feuilles d’automne, balaya devant elle ce tourbillon de créatures humaines, frappant les unes de la pointe de leurs lances, écrasant les autres sous les pieds de leurs chevaux, fouillant chaque recoin de maison, chaque enfoncement de portes, avec un acharnement et une inhumanité que