Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
315
EXCURSIONS DANS LE VENEZUELA.

près. Elle présente alors un aspect très singulier, car à l’horizon indécis, on n’aperçoit que le sommet des arbres élevés qui couvrent le pays : ce phénomène est dû aux vapeurs aqueuses que la chaleur pompe du sol. »

Les savanes de cette côte, et le grand nombre d’entrées du fleuve, dont sept sont navigables, rend difficile à trouver celle qui peut recevoir les grands bâtimens ; les Indiens mêmes, qui habitent les bois des environs se perdent au milieu de ce dédale de creeks. La Félicité passa la barre, et entra dans le plus grand canal avec bon vent ; sans cela, aucun bâtiment ne pourrait remonter le courant de l’Orénoque, qui est de quatre milles à l’heure ; mais il existe sur ce fleuve une brise qui souffle pendant le jour, en sens opposé à son courant. « L’aspect de l’Orénoque est magnifique, et du pont de notre bâtiment glissant sur les eaux, nous étions saisis d’admiration devant le panorama mouvant qui nous entourait. Les rives sont couvertes des deux côtés de forêts impénétrables, et d’arbres majestueux que le béjuco, plante grimpante, gigantesque, aussi grosse qu’un câble, enchaîne les uns aux autres ; des arbres morts séculaires sont tenus debout par ces plantes immenses que l’on confond souvent avec les énormes serpens d’eau qui sont aux aguets dans les marais d’où elles s’élancent. Bien d’autres plantes parasites s’élèvent encore, ornées de fleurs brillantes et de différentes couleurs, et formant des festons sur les arbres auxquels elles sont suspendues. Parmi les branches gambadent des singes de toute espèce qui suivent le bâtiment, en sautant d’un arbre à l’autre à l’aide du béjuco, nommé pour cela par les Indiens, échelle de singe. Le plus remarquable est l’araguato, qui est grand, rouge, et voyage toujours par compagnie, les mères portant leurs petits sur le dos. Ces singes sont très dangereux pour les plantations, et détruisent plus de racines et de fruits, qu’ils n’en mangent ou n’en emportent. Leurs cris pendant la nuit sont beaucoup plus forts qu’on ne pourrait le croire en les voyant, et souvent on les confond avec ceux des panthères ou d’autres bêtes féroces. »

Sacopano est le premier village où arriva la Félicité. Il est entièrement habité par les Indiens, qui passent presque tout le