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EXCURSIONS DANS LE VENEZUELA.

s’exprimer. Quand ils sont surpris à terre, ils ne peuvent ni attaquer ni se défendre, et on les tue avec une lance sans qu’ils opposent la moindre résistance. Le cayman dépose environ trente œufs dans le sable, d’une forme ovale et de six pouces de long. Les Indiens et nous-mêmes en mangions, quand les provisions devenaient rares, malgré l’odeur désagréable de musc qui distingue cet animal, et qui infecte l’air dans les lieux qu’il habite. On voit souvent dans l’eau les alligators porter leurs petits sur le dos. Lorsqu’il y a beaucoup de bruit ou de mouvement dans la rivière, causé par une troupe de chevaux, par exemple, qui la traverse à la nage, ou par beaucoup de personnes qui se baignent dans le même endroit, il n’y a pas grand danger d’être surpris par les alligators, quoiqu’il y en ait probablement des centaines dans le voisinage. Ils restent à guetter les chevaux faibles et les poulains qui restent en arrière, et il est rare qu’ils ne réussissent pas à en arrêter un ou deux. Le cayman est très redoutable une fois qu’il a goûté de la chair humaine, et, de même que toutes les bêtes féroces, il brave dès-lors tous les dangers, pour se procurer cet aliment, qu’il préfère à tous les autres. On dit alors qu’il est cebado. Il se met à l’affût des baigneurs qui restent imprudemment assis sur le bord de la rivière, ou des blanchisseuses occupées à y travailler, et il se laisse doucement descendre avec le courant, levant les yeux et les narines au-dessus de l’eau de temps en temps, afin de s’assurer s’il est assez près de sa proie pour l’attaquer. S’il réussit à l’approcher sans avoir été vu, ce qui arrive souvent, il frappe sa victime d’un coup de queue sec et violent, et il est rare qu’elle ne tombe à l’instant dans l’eau, où il la dévore. Il y a quelques exemples cependant de personnes qui ont échappé au cayman, en ayant la présence d’esprit de lui crever les yeux, ce qui le force à lâcher prise. Il est sans doute inutile de dire qu’il serait imprudent de se fier à ses doigts, quoiqu’une fille indienne, à ce que l’on prétend, se soit sauvée un jour de cette manière. Quand un Indien traverse à la nage une rivière connue pour être fréquentée par un alligator dangereux, il se munit d’un fort bâton de dix-huit pouces de long environ, aiguisé aux deux bouts.