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EXCURSIONS DANS LE VENEZUELA.

nuage, ses rayons semblent ne pouvoir échauffer, et leur lumière est pâle comme celle de la lune. »

Les pauvres soldats de Bolivar périrent en grand nombre dans ce passage. Ceux qui se couchaient de fatigue devenaient bientôt livides, et mouraient dans un état complet de stupeur, comme frappés d’apoplexie. L’extrême raréfaction de l’air à cette hauteur peut avoir contribué à ce fatal résultat. La nuit passée dans ce Paramo fut affreuse ; on ne pouvait se procurer du bois pour faire du feu, et d’ailleurs, les coups de vent continuels l’auraient éteint. Officiers et soldats s’assirent serrés les uns contre les autres pour se tenir chaud ; il en mourut beaucoup.

La descente des Andes n’est pas aussi à pic que du côté des Llanos. Elle est aussi plus courte. Lorsqu’on atteint les vallées qui sont abritées, la température y devient délicieuse. — Bolivar arriva à Tunja, et avec ses soldats harassés de fatigue, il battit les troupes espagnoles de Barreira.

« À cette époque, Zamano, le cruel et bigot vice-roi de la Nouvelle-Grenade, ayant été instruit de l’approche de Bolivar, fit dresser l’échafaud sur la place, en face des fenêtres du palais, et exécuter tous ceux qu’il soupçonnait de ne pas être entièrement dévoués au gouvernement espagnol. Au nombre des victimes, les Colombiens n’oublieront pas l’infortunée dona Apollinaria Zallobariata, mieux connue sous le nom de la Paula, qui fut condamnée à mort et fusillée avec son fiancé, par ordre de Zamano. Elle était jeune, d’une beauté ravissante et d’une des meilleures familles de Bogota. Attachée avec ardeur à la cause de la liberté, elle se dévoua à l’entreprise hasardeuse de faire parvenir à Bolivar des notes sur les forces, les dispositions et les plans de l’armée espagnole. Elle s’assurait de ces nouvelles par la bouche même des officiers espagnols aux tertulias ou aux conversaziones du soir chez elle, où elle recevait beaucoup de monde, et où sa conversation, son chant et sa guitare faisaient le charme de la société. Elle parvint à savoir où étaient les avant-postes, et par un messager fidèle elle en fit avertir Bolivar ; mais un de ses paquets fut arrêté, et le porteur menacé de la mort : elle fut trahie. Une cour martiale la jugea : elle fut