Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
348
REVUE DES DEUX MONDES.

que le goût en ferait bientôt justice ; qu’on aurait honte de l’engouement qu’il avait excité ; qu’avant dix ans il serait complètement oublié.

Il ne paraît pas que Fielding ait songé un seul instant à se venger de cette amère injustice et de ce dédain injurieux ; et, quels que soient les motifs qui l’aient déterminé, dans l’origine, à parodier Pamela, soit qu’il ait voulu profiter d’un succès pour y greffer une plaisanterie, soit que par une malice naturelle il se soit trouvé porté à ridiculiser ce que ses contemporains adoraient comme souverainement beau, et à ruiner par ses sarcasmes ce qu’ils croyaient à l’abri de toutes les railleries, au moins est-il vrai qu’il abandonna le premier le combat ; et, dans le cinquième numéro du Journal Jacobite, il rend hautement justice au mérite éminent de Clarisse, la meilleure, la plus profonde et la plus poétique de toutes les compositions de Richardson, celle qui, avec l’Histoire de Clémentine dans Charles Grandisson, lui assure l’immortalité.

La noble générosité de Fielding nous oblige à prendre parti pour lui. S’il fut le premier à attaquer, au moins faut-il avouer qu’il combattit avec des armes loyales, et que l’intérêt de sa vanité ne le rendit pas injuste.

Après la publication de Joseph Andrews, Fielding se remit à écrire pour le théâtre, et fit jouer le Jour de Noces. Le manuscrit d’une autre comédie composée vers le même temps, les Pères, fut perdu par sir Charles Hanbury Williams, et ne fut retrouvé qu’après la mort de l’auteur. La pièce fut jouée au bénéfice de sa famille.

Les biographes de Fielding rapportent, avec de très légères variantes, une anecdote qui prouve à quel point il se souciait peu de sa réputation dramatique. Un jour qu’on répétait le Jour de Noces, Garrick, chargé d’un rôle important dans la pièce, et déjà fort en faveur auprès du public, fit remarquer à Fielding un passage qui lui paraissait devoir déplaire au public. Il témoigna même la crainte d’être sifflé, et de ne pouvoir pas achever la soirée. Il concluait naturellement en lui conseillant de supprimer le passage dangereux. — Non parbleu, répliqua