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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/365

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HENRY FIELDING.

Il faut faire dans le récit de cette anecdote, si humiliante qu’elle soit d’ailleurs, la part de l’exagération aristocratique d’Horace Walpole. Réduite à sa juste valeur, elle est loin assurément d’être honorable. Mais on a lieu de se consoler en songeant que Fielding sut conserver des principes inaltérables et purs au milieu des occasions sans nombre de corruption et de débauche que sa charge lui offrait tous les jours.

Il a écrit quelque part, et personne ne l’a jamais contredit : « Je dois avouer que mes affaires privées au commencement de l’hiver ne m’offraient pas une perspective bien gaie. Je n’avais pas arraché du public et des pauvres les sommes que des gens toujours prêts à piller ont eu la bonté de me soupçonner d’avoir exigées. Au contraire, en tâchant d’apaiser, au lieu d’exciter les querelles des commissionnaires et des mendians ; ce qui, je rougis en le disant, n’a pas été fait par tout le monde, et en refusant de recevoir un shilling de l’homme qui à coup sûr n’en avait pas un second dans l’univers, j’ai réduit un revenu d’environ 500 livres à un peu moins de 300, et encore le plus clair de cette somme reste à mon clerc. »

Fielding ne se montra pas seulement désintéressé dans l’exercice de sa charge ; mais il faut dire encore à sa louange qu’il chercha pas tous les moyens imaginables à ralentir les progrès de la dépravation. Il a fait sur la multiplication des filous et des voleurs des recherches ingénieuses et profondes, et plusieurs de ses idées à ce sujet ont été adoptées par les hommes d’état. Il publia aussi une recommandation au grand jury de Middlesex, et il a laissé un manuscrit sur les lois de la couronne. Dans un ouvrage sur la taxe des pauvres, il expose le projet de retenir les indigens dans leurs paroisses respectives, et de les secourir à domicile. Sir Fredérick Morton Eden, qui a écrit après lui sur ce sujet, rend hautement justice au savoir et à l’énergie que Fielding a déployés dans ce traité.

Ce fut au milieu de cette vie précaire, et des ennuis inséparables de son emploi, que Fielding écrivit l’ouvrage qui a fondé sa gloire, et qui assure à son nom l’immortalité. Tom Jones fut publié en 1750 ; on se demande avec étonnement comment il a