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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/386

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REVUE DES DEUX MONDES.

pas que ni vous, ni ces personnes, n’avez la faculté de savoir certainement quoi que ce soit. » Mais il dit : « En vous isolant comme Descartes l’a voulu faire, en vous dépouillant, par une supposition chimérique, de toutes vos connaissances acquises pour les reconstruire ensuite plus certainement à l’aide d’un reploiement solitaire sur vous-même, vous vous abusez ; vous vous privez de légitimes et naturels secours ; vous rompez avec la société dont vous êtes membre, avec la tradition dont vous êtes nourri ; vous voulez éluder l’acte de foi qui se retrouve invinciblement à l’origine de la plus simple pensée ; vous demandez à votre raison sa propre raison qu’elle ne sait pas, vous lui demandez de se démontrer elle-même à elle-même, tandis qu’il ne s’agirait que d’y croire préalablement, de la laisser jouer en liberté, de l’appliquer avec toutes ses ressources et son expansion native aux vérités qui la sollicitent, et dans lesquelles, bon gré mal gré, elle s’inquiète, pour s’y appuyer, du témoignage des autres, de telle sorte qu’il n’y a de véritable repos pour elle et de certitude suprême, que lorsque sa propre opinion s’est unie au sentiment universel. » Or, ce sentiment universel, hors duquel il n’y a de logique que le pyrrhonisme, et de sensé que l’empirisme, existe-t-il et que dit-il ? Est-il saisissable et manifeste ? commença-t-il avec le commencement ? s’est-il perpétué dans les âges, et savons-nous où l’interroger aujourd’hui ? Ce sont des questions immenses dans lesquelles M. de La Mennais procède par voie d’information historique et de témoignage. Les temps antérieurs à Moïse et les formes nombreuses de la gentilité, la révélation spéciale du législateur hébreu, la révélation sans limite de Jésus et l’Église Romaine qui en est la permanente dépositaire, se déroulent tour-à-tour devant lui, et composent les pièces principales de ce merveilleux enseignement : tout le programme de la future science catholique est là. M. de La Mennais n’a fait qu’en ébaucher vigoureusement les grandes masses, et comme ce n’est pas une perfection apparente qu’il cherche, il y a des côtés de ce beau livre qu’il n’achèvera jamais. D’autres le feront ; l’Orient pour cela, et l’époque pélasgique sont à mieux connaître. Mais ce qu’il y a