Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/431

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
416
REVUE DES DEUX MONDES.

mander sa protection ; dès que ce chef eut reçu mon présent, il annonça à mon interprète qu’il se proposait de venir en personne me faire visite, et donna des ordres très positifs pour qu’on me respectât, ainsi que tout ce qui m’appartenait. Il m’envoya vingt de ses soldats pour accompagner et protéger ma caravane, et vingt autres pour me suivre partout et exécuter ce que je leur prescrirais. Cette précaution était d’autant plus nécessaire, que la présence de ces soldats empêcha les maraudeurs de piller.

Le corps d’armée se dirigea sur Quibera, où il ne s’arrêta que pour prendre des vivres frais, que chaque ville amie doit fournir.

Les nègres de Quibandu me parurent en général beaucoup plus grands que ceux que j’avais vus jusqu’alors ; comme ceux de Nano, ils s’entourent les reins de peaux de bêtes ; leurs cheveux sont coupés en forme de casque ; et lorsqu’ils ont le fusil sur l’épaule, ils doivent inspirer de la terreur à leurs ennemis.

J’avais observé que plus je m’avançais vers la capitale du Bihé, plus je voyais des hommes de grande taille ; bientôt aussi je m’aperçus qu’ils devenaient de plus en plus farouches, ce qui ne doit pas surprendre quand on sait qu’ils passent leur vie dans les forêts à la poursuite des bêtes féroces, ou bien à se faire continuellement la guerre de peuplade à peuplade. Ils doivent à ce genre de vie l’air belliqueux qui les distingue des autres peuples. Les femmes sont presque toujours en dispute entre elles, elles en viennent souvent aux voies de fait ; elles ont dans le regard, le maintien et le geste, la même fierté que les hommes, et certes elles ne leur cèdent pas en méchanceté. Je fus assez étonné de trouver le froment parmi les végétaux que ces nègres cultivent ; il est vrai qu’ils ne savent pas en tirer un meilleur parti que ceux de Pungo Andongo ; ils se servent d’un pilon pour l’écraser. Le travail nécessaire pour que le froment nourrisse convenablement est plus pénible que celui qu’exige le maïs. On se contente donc ici de ce dernier, quoique l’on reconnaisse que la farine du premier est plus délicate. Le produit de la petite quantité de froment récolté dans le Bihé montre quelle quantité on pourrait obtenir, si l’on en semait des champs considérables. J’ai compté plusieurs épis qui avaient de quatre-vingt à