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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/441

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REVUE DES DEUX MONDES.

tafia. Ce procédé parut leur causer une surprise qu’ils ne cachèrent pas. Je leur adressai quelques questions sur leur pays, et insensiblement, sans avoir l’air de chercher des informations qu’ils auraient refusé de donner, j’appris ce que je désirais savoir. L’un d’eux me raconta qu’à l’époque de la conquête du pays d’Angola par les Portugais, le Bihé formait une partie du royaume du Humbé Iénéné, qui s’étend fort loin vers le sud-est. Le Humbé Iénéné ne vit pas sans regret son allié, le roi d’Angola, en guerre avec les Portugais, et voulut même armer tous ses sujets pour voler à sa défense. Il prévoyait que la ruine de ce prince entraînerait celle de plusieurs autres, qui seuls ne pourraient résister aux Européens ; mais il pensait que, réunis tous ensemble, ils pouvaient écraser ces étrangers. Tous les habitans des provinces du Humbé, à l’exception de ceux du Bihé, prirent les armes et se mirent en marche, mais ils furent bientôt rappelés pour combattre leurs frères. En effet le chef qui gouvernait le Bihé, avait répondu, au nom du peuple, qu’il saurait faire respecter le territoire de son souverain, si on voulait l’envahir, mais qu’il ne voulait pas s’exposer aux chances d’une guerre contre une nation qui ne les avait attaqués, ni inquiétés. D’ailleurs, ajouta-t-il, elle vaincra probablement ; alors fière de ses succès, elle fondra sur ceux qui auront provoqué les hostilités. Dans ce cas, on aura lieu de tout craindre de la part de ces hommes armés de la foudre, surtout lorsque le désir de la vengeance les animera. Ce gouverneur observa encore que les nègres auraient leurs dieux pour eux en se contentant de défendre leur pays, que s’ils s’éloignaient de ces protecteurs, ils devaient craindre d’en être abandonnés, et seraient peut-être forcés d’aller mendier sur un sol étranger un coin de terre pour y vivre, et qu’ainsi n’appartenant plus à une nation, ils seraient regardés comme des vagabonds que chacun pourrait faire prisonniers.

Cette réponse déplut naturellement au Humbé. Il voulut qu’on fît esclave quiconque refuserait de prendre les armes. Cette injonction sévère alluma la guerre civile. Les provinces du nord marchèrent contre celles du sud, qui voulaient exécuter