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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/45

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DE L’ALLEMAGNE.

nent contre elle ; elle n’est rien au midi ; le nord la repousse. Étrangère en Europe, la voilà maintenant suspendue quelque part à ses côtés, plutôt qu’elle ne lui est organiquement attachée. Un dernier lien lui restait, un lien odieux, la forme héréditaire de l’un des pouvoirs constituants, il a fallu le briser. Placée sous la pression de toute l’Europe constitutionnelle, cette fois elle ne peut plus songer à s’insurger et à déborder de ce côté. En l’isolant, on a cru trouver l’équilibre, on n’a fait que la détacher de la société dans laquelle elle avait ses racines ; c’est en vain qu’elle demande à grands cris le repos au prix de l’avenir : l’histoire ne connaît point de repos à ce prix ; et quand le temps, en marchant sans s’arrêter, la trouvera quelque jour acculée à ses rivages, sur la dernière grève de l’occident, sans lien, sans ami, sans attache à aucun système environnant, obsédée de tout le poids de l’Europe, que lui restera t-il à faire, à lui, qu’à la prendre dans ses mains pour la jeter à la mer et la pousser à pleines voiles dans le système et les destinées du Nouveau-Monde ?

Encore ces arrangemens pourraient-ils avoir à la fin quelque louable issue, s’ils ne reposaient sur une erreur de situation, et sur un fait matériellement faux. Dans le système social qui se forme au sein du corps germanique, le gouvernement français, s’il le connaît, ne voit qu’un mouvement superficiel de diplomatie. L’unité d’une civilisation rivale et nécessaire se dresse à ses côtés sans qu’il entende le bruit qu’elle fait en marchant. Après avoir abusé le monde, le monde l’a misérablement abusé, et joué à faire pitié à ses plus grands ennemis. Les cabinets lui ont laissé croire que les peuples, malgré son abandon, lui demeureraient fidèles. Les peuples lui ont laissé croire à leur haine profonde pour leurs gouvernemens. En arborant au-dessus d’eux une sainte alliance puissante et intraitable comme elle avait été, ils l’ont décidée à reculer devant leur propre fantôme, c’est-à-dire que les peuples lui font des rois qui ne sont plus ; les rois lui font des peuples qui n’ont jamais été. Trompée dans ses haines, trompée dans ses sympathies, la France vit entre deux mensonges. Sous ces sympathies refoulées, sous ces libertés reniées, sous ces