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république, c’est-à-dire le principe de la souveraineté de la majorité de la nation. Mais le célèbre publiciste commentait mal la Charte, en voulant nous ramener aux conditions de l’ancienne monarchie ; ce n’était pas moins que nier et méconnaître les conquêtes et les travaux de notre révolution. Et voici quelle était la dernière conséquence de cette erreur : « La monarchie légitime et la liberté sont les conditions absolues de notre gouvernement, parce que ce sont les besoins absolus de la France. Séparez la liberté de la légitimité, vous allez à la barbarie ; séparez la légitimité de la liberté, vous ramenez ces horribles combats où elles ont succombé l’une et l’autre »[1]. Et c’est un penseur qui condamne une société à la barbarie, parce qu’une dynastie disparaît, et qui veut abîmer la cause de la sociabilité dans un naufrage de rois ! Faut-il donc lui démontrer que les usurpations sont des progrès pour une société, parce qu’elles témoignent l’énergie et la puissance de sa volonté qui a secoué la fatalité historique. Si les rois proscrits sont dignes de respect et de pitié, c’est qu’ils sont marqués au front du signe de la destinée ; elles sont sacrées les victimes expiatoires de l’émancipation des peuples.


Cependant, monsieur, les nobles instincts de M. Royer-Collard le ramenaient à la défense des droits et des intérêts populaires, quand il les voyait menacés par des entreprises insensées. Il a même célébré, sous la restauration, les progrès de la démocratie avec des paroles plus profondes que n’en sut alors trouver aucun publiciste contemporain. Mais par une étrange inconséquence cette démocratie, dont on avait préconisé le développement progressif, devient suspecte et condamnable au moment même où elle se révèle plus puissante encore que ne l’avaient imaginé quelques-uns de ses défenseurs. Veuillez, monsieur, peser ces paroles de M. Royer-Collard ; elles vous révéleront toute la faiblesse de sa philosophie politique. « Il y a des siècles que la

  1. Discours sur la loi des élections, 1820.