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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/492

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UN TOUR DE MATELOT.

dra, s’il fait une brise passable, nous nous en emparerons. Vous m’avez choisi pour le chef d’une entreprise dont l’exécution n’était encore que vaguement arrêtée ; vous m’obéirez donc pour celle-ci qui vous apparaît, j’espère, comme positive et assez bien entendue.

Tous répondirent que oui.

— Écoutez bien maintenant. Quand le mulet sera arrivé, je monterai sur le pont. Je verrai le temps et la mer ; je me consulterai, parce que j’aurai la conscience des obstacles ou du succès. Si je crois que nous pouvons partir, je lèverai mon chapeau ; alors tous nos gens descendront dans le bateau, sous prétexte d’acheter quelques-uns des objets que les matelots y vendent, ou de les aider à hisser les barriques. Je descendrai le dernier, moi, parce que je suis sûr que je ne manquerai pas à ma parole, et que je ne suis pas également certain que chacun tiendra la sienne. Aussitôt que je serai en bas, on s’emparera des matelots andalous et on les jettera à la mer. Ce sera l’affaire des officiers de troupes de terre et des soldats, parce que les marins auront assez à faire de gréer la voile du mulet et d’appareiller. Quand j’ouvrirai les bras, on fera prendre le bain froid à ces damnés Espagnols. C’est bien entendu. Pour tout le reste, le moment décidera. Du courage, de la fermeté, bon vent, jusant[1], et nous réussirons. Y a-t-il des observations ? Non. Adieu donc, mes camarades ; allez faire vos recrues, mais de bons b… et pas d’autres.

Grivel vit quelqu’un qui paraissait douter encore.

— Qu’avez-vous ? Est-ce que, dans le plan que je viens de vous dire, vous apercevez des impossibilités ?

La question s’adressait à un officier d’infanterie, brave, qu’une des conditions du projet étonnait cependant.

— Quoi ! dit-il, capitaine Grivel, en plein jour ! Et la surveillance de nos geôliers !

— Elle sera facilement en défaut, mon cher. Les Espa-

  1. On appelle ainsi le reflux ou la marée descendante.