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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/501

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REVUE DES DEUX MONDES.

à M. Barbieri, officier dans les corps des marins, et Corse comme lui. La prison et la mort, je crois, arrivée pendant la captivité, séparèrent Francisque et son compatriote. Le matelot se donna alors au capitaine Grivel, qui eut la douleur de le perdre.

Enfin, on aborda la côte, près de Rio-Salado ; un poste français était là. Ils vont être sans doute reçus à bras ouverts, ces échappés de ponton ! Point. Le mulet n’a pas de pavillon, et le poste le prend pour un bateau de la contrebande ! « Aux armes ! » Les soldats sortent, couchent en joue les arrivans, et tirent. Quatre balles sifflent au-dessus des têtes qu’on ajustait ; Vergès se hâte de dépasser sa chemise, et d’en faire une espèce de pavillon parlementaire ; mais les fusils se rechargent. L’équipage de la barque saute alors à terre ; et c’est la pointe de la baïonnette du factionnaire qui reçoit Grivel, quand il vient se faire reconnaître.

— Nous sommes Français, camarades, dit le capitaine au soldat,

— Français !

— Oui ! et tous ces messieurs sont officiers.

— Ils n’en ont sacrédieu pas l’air, répliqua le grenadier en redressant son arme,

— J’avoue qu’on pourrait s’y tromper.

Les haillons qui couvraient les évadés du ponton, leur donnaient en effet plutôt l’air de bandits que d’honnêtes militaires. Les brillans uniformes s’étaient transformés en hideuses guenilles ; c’était à faire horreur et pitié. Un officier à cheval arriva pour savoir ce qu’il y avait, et ce que signifiaient les coups de fusils qu’il venait d’entendre ; cheval et cavalier furent pressés, serrés, étouffés de caresses. La joie de ces malheureux qui venaient de conquérir le rivage, malgré tant d’obstacles, ressemblait à de la démence.

Le capitaine Grivel et ses trente-quatre glorieux complices partirent pour le port Sainte-Marie, aussitôt qu’ils eurent fraternisé avec le poste qui les avait accueillis d’abord fort mal. À leur arrivée, ils allèrent se présenter au duc de Dalmatie. Le maréchal Soult les traita avec toute la distinction qu’ils