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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

est toujours placée au premier vers, mais n’est pas toujours absente du second.

Les amis de M. Delavigne, et ils sont nombreux, appelleront Louis xi un triomphe ; ils iront peut-être jusqu’à dire que c’est une leçon de haute et saine poésie ; ils citeront sa tragédie comme un modèle de bon goût, comme une habile conciliation de tous les systèmes : que la paix soit avec eux ! Ses ennemis, et il ne peut manquer d’en avoir, puisque tous les grands succès portent leur peine avec eux, ses ennemis diront que la représentation de jeudi dernier est une défaite ; et ils auront bien quelque apparence de raison ; car, sur dix-huit cents personnes qui assistaient à cette solennité, j’en ai bien compté quinze cents qui prenaient leur plaisir en patience ; ni l’un ni l’autre de ces avis ne sont le mien. Louis xi n’est pas un triomphe ; ce n’est pas non plus une défaite. C’est une blessure, c’est un coup mortel. Le blessé ne s’en relèvera pas. Voici bientôt seize ans qu’il est en possession de l’admiration de ses lecteurs, son temps est fini. Il n’a plus qu’à se survivre. Mais de vie littéraire, d’importance poétique il n’en a plus. Sa dernière tragédie est un testament comme le Camille Desmoulins d’Horace Vernet.

Les Messéniennes sont maintenant oubliées. Comme leur mérite principal était d’exprimer une opposition politique que le temps et les choses ont dépassée, elles n’ont plus maintenant aucun moyen d’action et de puissance. Les Vêpres Siciliennes n’étaient qu’une tragédie de collège, un mélodrame versifié, qu’on pouvait accepter comme début, mais sans portée, sans profondeur et sans durée. Les Comédiens ne valent pas un chapitre de Gil-blas. Sans Talma et mademoiselle Mars, l’École des Vieillards aurait été prise pour ce qu’elle est réellement, pour un plaidoyer en madrigaux contre la légèreté des jeunes femmes et le danger des amitiés. Le Paria, sauf les chœurs, qui valent mieux que toutes les Messéniennes prises ensemble, n’est qu’une emphatique amplification de la Chaumière Indienne, colorée çà et là de quelques images de Sacontala, et ornée de plusieurs ignorances assez peu pardonnables, telles que la confusion d’une plante et d’un ordre sacré ; Marina Faliero ne fait pas grand honneur