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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/539

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REVUE DES DEUX MONDES.

tes les agaceries des nouvelles Tuileries. Les Tuileries s’en passent, il est vrai, attendant un temps plus doux. La finance et la robe, souveraines maîtresses de ce monde, se pavanent dans cette galerie de Diane, hantée naguère par l’église et la noblesse ; les triomphateurs du jour dansent à la lueur des flambeaux allumés pour les vaincus de la veille ; ils s’asseient à la table servie pour le vieux monde d’autrefois ; le repas des funérailles à peine refroidi, ils le mangent. Insensés ! comme si l’ombre de Banco ne pouvait pas reprendre sa place ! Or ici, l’ombre de Banco, c’est tout simplement le faubourg Saint-Germain. On le laisse bouder, il est vrai ; mais qu’il se ravise, toutes les portes lui seront ouvertes, à lui, le vrai monde des salons, des fêtes, des bals de la cour, des conversations oiseuses ; à lui, le vrai monde des plaisirs et des honneurs qui n’en sont pas. Que voulez-vous que nous allions faire à la cour, nous autres occupés de la tribune, du barreau, de la garde nationale ou du journal ? À son premier geste, de bonne volonté, nous rendrons au faubourg Saint-Germain toutes ces futilités qui sont faites pour lui, pour lesquelles il est si bien fait.

Je disais donc qu’on dansait aux Tuileries aussi aristocratiquement que possible. Le plaisir était partout. Toute la ville bourgeoise était là ; il y avait même un garçon restaurateur attiré par la fête, philosophe sceptique, qui avait voulu voir par lui-même la quantité de contredanses que contenait le palais des rois. Tout-à-coup un bruit circule dans le bal. On parle de la conspiration qui doit éclater à minuit, l’heure des fantômes ! On dit tous les détails de cette conspiration, on en nomme les héros, on montre même du doigt la porte par laquelle ils viendront. C’est ainsi sans doute qu’on montrait la muraille teinte de caractères formidables au dernier festin de Balthasar.

Vous parlez de visions fantastiques ! Oh ! cela en effet eût été une chose fantastique, de voir tout-à-coup s’ouvrir à deux battans cette grande porte du salon de Diane. Comme la musique eût retenu son dernier son perdu dans l’air ! comme la danse animée fût devenue pâle ! comme elle eût jeté sa couronne ! Comme la conspiration eût paru grande dans l’ombre, à ce