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ses glaçons. — Nous voyagions en traîneau sur l’Angara, dont les rives sont bordées de roches de grès à cimes basses et arrondies. — Le second relais en sortant d’Irkoutsk s’appelle Listwinischna, ou village des Mélèzes, parce que l’arbre de ce nom (Pinus larix) est fort commun dans une forêt qui s’étend aux environs, sur le bord du fleuve. — Ici, par un froid de 25 degrés, l’Angara n’est point gelé, il roule avec fracas en sortant du lac ; et à travers le brouillard qui s’élève sur ses eaux, on voit devant soi l’immense nappe de glace du Baikal. — Il était nuit quand nous arrivâmes à Listwinischna. Éclairés par la lune, nous fîmes encore un relais, sur une route resserrée entre le lac et les rochers aigus qui le cernent ici de toutes parts. On ne les voyait qu’à l’aide d’une clarté douteuse, mais la pointe escarpée de leurs cimes prouvait déjà que même, avant Listwinischna, le grès avait disparu, et que nous avions devant nous une autre espèce de roches.

Avant d’atteindre le relais de Kadilnaja, on descend sur la glace du Baikal, car il est entièrement pris dans ces parages, à l’exception d’un fil d’eau qui marque le cours de l’Angara. — Les chevaux du pays sont très ardens ; quand ils s’élancent sur le lac, dont la surface n’est pas ternie et embarrassée par les neiges, ils emportent le traîneau avec une rapidité incroyable. À partir du relais de Kaldinaja, on quitte le bord occidental du Baikal, et se dirigeant en droite ligne vers l’est, on le traverse dans toute sa largeur, qui est ici de cinquante werstes. — Nous passâmes la nuit à Kosolskoi, et le lendemain matin, la vue du lac nous offrit un magnifique spectacle : des débris de glaçons, amoncelés près du rivage, s’élèvent perpendiculairement, et reflètent de mille manières les rayons du soleil qui se brisent sur leurs facettes ; vers le nord-est et le sud-ouest s’étend à perte de vue une plaine de glace unie comme un miroir ; et à l’ouest, à l’opposite de ce tableau, on voit poindre au-dessus des glaces le sommet des montagnes, dont le pied est caché par la courbure de la terre. — Aussitôt qu’on a quitté les bords du lac, on voyage dans une plaine couverte de roseaux et de laîche ; c’est en la traversant que la Selenga vient se jeter dans le Bai-