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crut sur parole. Pour moi, dont le costume et l’accent tenaient davantage d’un Sibérien, je passai pour un domestique russe qui servait d’interprète aux Chundi. Ces messieurs portaient des manteaux écossais, qui firent quelque sensation ; cependant, je dois l’avouer, nous n’excitâmes pas vivement la curiosité des Nikani. Un seul toucha nos habits, en répétant sans cesse : Combien cela vaut-il ? Combien de roubles en veut-on ? Il voulait acheter un de nos manteaux, car c’était, disait-il, un fort joli vêtement.

Au carrefour des deux principales rues de Maimatschin s’élève une tour construite en bois. Les murs qui lui servent de base forment un carré, avec quatre portes, traversées par les deux rues. Sur cette masse repose une tour octogone avec un toit chinois, comme on en voit si souvent aux pavillons de nos jardins. Autour de la partie supérieure de la base règne un balcon, d’où les lamas annoncent, je crois, le coucher du soleil et le lever de la lune, et du sommet du toit jusqu’au balcon descendent de longues cordes, chargées de lanternes de papier et de drapeaux bariolés. Une idole est peinte sur chaque mur de l’octogone. La forme en est toujours bizarre : ce sont des faces d’animaux vertes ou rouges, jaunes ou bleues ; ce sont des griffes de diables, etc., qui rappellent les dieux du Mexique, trouvés au temple de Montézuma. Du reste cette tour n’est pas précisément un temple, et ces images n’y figurent que comme ornement. Dans les carrefours, il y a des espèces de petites chapelles avec des portes ouvertes sur la rue. L’image d’un dieu des Mongols ou de quelqu’un de leurs innombrables saints est suspendue au fond du sanctuaire, et devant l’idole sont placées, selon l’usage, les petites coupes d’eau bénite. Le soir, on allume sur l’autel des chandelles rouges, et en même temps on brûle une espèce particulière de parfum : ce sont des pastilles en forme de crayons. Je les crois faites de sciure de cèdre ou d’arbre semblable. Elles se consument d’elles-mêmes comme les nôtres, et ne contiennent pas de salpêtre. Aucun pétillement ne se fait entendre quand elles brûlent. Ces chapelles mongoles sont destinées aux basses classes du peuple, aux conducteurs de cha-