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VOYAGE EN SIBÉRIE.

qui devait être un troisième œil, ou un stigma. Je penche pour ce dernier avis, car la pupille était ronde et comme sans paupière ; en outre, j’ai su depuis que la mythologie mongole avait aussi ses cyclopes. — Du menton de chacune de ces têtes pendait, en guise de barbe, une multitude de rubans. — Quand je passai dans le vestibule du temple, un objet fixa mon attention : c’était un grand cylindre en papier, sur lequel étaient écrites des prières tangusiennes. Il était orné de rubans bariolés et tournait sur un axe. Chaque fois qu’on le faisait mouvoir, deux battans, placés à l’extrémité supérieure, frappaient sur des cloches suspendues à côté. — Les fidèles, qui ne savent pas lire, font tourner le tambour à leur sortie de l’église, et cette cérémonie leur tient lieu de prière ; c’est le rosaire des chrétiens, moins l’Ave Maria, etc. Les cierges qui brûlent sur l’autel principal, sont faits avec du beurre ; leur mèche est en coton. Le beurre sert encore à confectionner différens objets qui sont donnés en offrandes, tels que des fleurs, etc.

Nous visitâmes une seule des nombreuses chapelles qui environnent l’église, celle où l’on conserve le char dans lequel, à de certaines solennités, on promène autour du temple la statue de la mère de Tschigemune, On voit devant ce char sept chevaux attelés de front : ils sont peints en vert et faits avec soin. Celui du milieu est de grosseur naturelle ; les six autres, attelés à ses côtés, deviennent graduellement plus petits, de façon que les deux chevaux placés aux extrémités n’ont que le quart de la grosseur naturelle. C’est un attelage russe où l’on n’a point oublié la cloche qui désigne les voitures de poste en Sibérie. La mère de Tschigemune a payé sa poderoschna.

Cependant n’allez pas vous moquer de ces vieux rites du Thibet. Sans doute les lamas, ne vivant que du culte, ont pu le défigurer à leur profit ; mais je dois avouer que je pris le plus grand intérêt à toutes ces cérémonies, à la distribution des grains, et à l’harmonie si bizarre de l’orchestre et des chants.

Lorsque nous prîmes congé du chamba-lama, il nous pria de dire à l’empereur de Russie, que les Burates prient Dieu avec