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PHILOSOPHIE DE FICHTE.

Questions oiseuses. – Il y a long-temps que mes convictions sont faites sur ce point, et il me faudrait, à coup sûr, beaucoup de temps pour rappeler tout ce qui m’a été dit et enseigné là-dessus, pour exposer mes propres convictions.

Et pourtant ces convictions que je trouve si intimes au-dedans de moi, je dois en convenir, ne laissent pas que d’être obscures à leur origine. Avant d’y parvenir, m’étais-je en effet traîné long-temps sous l’aiguillon d’une ardente curiosité à travers le doute, l’incertitude, la contradiction ? Avant de les adopter (ce que je dois toujours faire, lorsque je peux craindre que mon assentiment ne soit surpris), en ai-je scrupuleusement examiné la vraisemblance, mesuré l’étendue, apprécié la portée ? Me suis-je long-temps et prudemment abstenu d’y ajouter foi jusqu’à ce qu’au-dedans de moi une voix imméconnaissable, irrésistible, m’ait crié : Oui cela est, et cela est ainsi, aussi certainement que tu es toi-même, que tu existes ? Nullement. Aucune circonstance semblable ne me revient à l’esprit. Ces convictions, ces idées sont venues à moi sans que je les cherchasse. Elles m’ont apporté une réponse à une question que je ne faisais pas ; et depuis ce moment, elles sont demeurées dans mon esprit, là même où le hasard les a mises, sans que j’y eusse donné mon consentement, sans que je leur eusse demandé de justifier de leurs titres.

C’est donc bien à tort que jusqu’à ce moment je me suis persuadé savoir quelque chose sur moi, sur ma destination. S’il est vrai que je sache seulement ce que j’ai appris par l’expérience ou la réflexion, je n’en sais réellement quoi que ce soit. Je sais seulement ce que d’autres que moi prétendent en savoir ; et tout ce que je puis être fondé à en affirmer par moi-même, c’est que j’en ai entendu dire ou ceci ou cela. Ainsi moi, qui, pour l’acquisition de certaines connaissances sans aucune importance véritable, me suis souvent donné tant de soucis, sur ce sujet, celui de tous le plus digne d’exciter vivement mon intérêt, je m’en suis remis à des étrangers. Je leur ai supposé une sympathie pour les grands intérêts de l’humanité, un sérieux dans l’âme pour s’en occuper, une autorité pour en décider, que je ne trou-