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PHILOSOPHIE DE FICHTE.

rement. Il serait absolument impossible que je fusse autre.


J’ai conscience de moi comme d’un être existant par soi-même, et dans plusieurs circonstances de ma vie, comme d’un être libre ; mais tout cela s’accorde fort bien avec les principes que j’ai posés ; tout cela n’est nullement en contradiction avec les conséquences que j’ai tirées de ces principes. Ma conscience immédiate, mes propres perceptions ne sortent pas du cercle de ma personnalité. Elles ne peuvent aller au-delà des modifications qui se passent en moi. Ce que je sais immédiatement, c’est toujours moi, ce n’est jamais que moi ; ce que je sais au-delà, je ne puis le savoir que par induction. Je l’apprends de la même façon que j’ai appris l’existence des forces primitives de la nature auxquelles n’atteignaient nullement mes propres perceptions. Moi, ce que je nomme moi, ce qui est ma personne, je ne suis point la force même qui constitue l’homme : je n’en suis qu’une manifestation. C’est de cette manifestation que j’ai conscience comme de moi-même, non pas de la force tout entière, car je ne parviens à connaître cette dernière qu’au moyen d’une suite d’inductions : mais comme cette manifestation appartient à une force primitive existante par elle-même, qu’elle en dérive, elle conserve tous les caractères qui distinguent cette force ; ce qui fait qu’elle m’apparaît dans ma conscience comme existante par elle-même. Par la même raison, je m’apparais comme un être existant par soi-même. Par là aussi je m’apparais tour-à-tour libre dans certaines circonstances de ma vie, lorsque ces circonstances sont les développemens naturels, les produits spontanés de cette force primitive, dont une partie m’est échue en partage et constitue mon individu ; empêché, contraint, lorsque des circonstances intérieures survenues dans le temps présentent des obstacles au développement naturel de cette force, et renferment son activité dans de plus étroites limites que celles où elle s’est enfermée d’elle-même en constituant mon individualité ; puis enfin, je m’apparais, contraint, opprimé, lorsque cette même force intérieure, entraînée hors de ses développemens légitimes par une