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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/628

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GUERRE AUX DÉMOLISSEURS.


Et, nous le répétons, pour qu’on y songe bien, le fait de Laon n’est pas un fait isolé. À l’heure où nous écrivons, il n’est pas un point en France où il ne se passe quelque chose d’analogue. C’est plus ou c’est moins, c’est peu ou c’est beaucoup, c’est petit ou c’est grand, mais c’est toujours et partout du vandalisme. La liste des démolitions est inépuisable ; elle a été commencée par nous et par d’autres écrivains qui ont plus d’importance que nous. Il serait facile de la grossir, il serait impossible de la clore. On vient de voir une prouesse de conseil municipal. Ailleurs, c’est un maire qui déplace un peulven pour marquer la limite du champ communal ; c’est un évêque qui ratisse et badigeonne sa cathédrale ; c’est un préfet qui jette bas une abbaye du quatorzième siècle pour démasquer les fenêtres de son salon ; c’est un artilleur qui rase un cloître de 1460 pour rallonger un polygone ; c’est un adjoint qui fait du sarcophage de Théodeberthe une auge aux pourceaux.


Nous pourrions citer les noms. Nous en avons pitié. Nous les taisons.


Cependant il ne mérite pas d’être épargné, ce curé de Fécamp qui a fait démolir le jubé de son église, donnant pour raison que ce massif incommode, ciselé et fouillé par les mains miraculeuses du quinzième siècle, privait ses paroissiens du bonheur de le contempler, lui curé, dans sa splendeur à l’autel. Le maçon qui a exécuté l’ordre du béat, s’est fait des débris du jubé une admirable maisonnette qu’on peut voir à Fécamp. Quelle honte ! qu’est devenu le temps où le prêtre était le suprême architecte ! maintenant le maçon enseigne le prêtre !


N’y a-t-il pas aussi un dragon ou un housard qui veut faire de l’église de Brou, de cette merveille, son grenier à foin, et qui en demande ingénument la permission au ministre ! N’était-on pas en train de gratter du haut en bas la belle cathédrale d’Angers, quand le tonnerre est tombé sur la flèche, noire et intacte encore, et l’a brûlée, comme si le tonnerre avait eu, lui,