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GUERRE AUX DÉMOLISSEURS.


Espérons que ce burlesque projet ne s’accomplira pas. Si l’on essayait de le réaliser, espérons qu’il y aura une émeute d’artistes. Nous y pousserons de notre mieux.


Les dévastateurs ne manquent jamais de prétextes. Sous la restauration, on gâtait, on mutilait, on défigurait, on profanait les édifices catholiques du moyen-âge, le plus dévotement du monde. La congrégation avait développé sur les églises la même excroissance que sur la religion. Le sacré-cœur s’était fait marbre, bronze, badigeonnage et bois doré. Il se produisait le plus souvent dans les églises sous la forme d’une petite chapelle peinte, dorée, mystérieuse, élégiaque, pleine d’anges bouffis, coquette, galante, ronde et à faux jour, comme celle de Saint-Sulpice. Pas de cathédrale, pas de paroisse en France à laquelle il ne poussât, soit au front, soit au côté une chapelle de ce genre. Cette chapelle constituait pour les églises une véritable maladie. C’était la verrue de Saint-Acheul.


Depuis la révolution de juillet, les profanations continuent, plus funestes et plus mortelles encore, et avec d’autres semblans. Au prétexte dévot a succédé le prétexte national, libéral, patriote, philosophe, voltairien. On ne restaure plus, on ne gâte plus, on n’enlaidit plus un monument, on le jette bas. Et l’on a de bonnes raisons pour cela. Une église, c’est le fanatisme ; un donjon, c’est la féodalité. On dénonce un monument, on massacre un tas de pierres, on septembrise des ruines. À peine si nos pauvres églises parviennent à se sauver en prenant cocarde. Pas une Notre-Dame en France, si colossale, si vénérable, si magnifique, si impartiale, si historique, si calme et si majestueuse qu’elle soit, qui n’ait son petit drapeau tricolore sur l’oreille. Quelquefois on sauve une admirable église en écrivant dessus : Mairie. Rien de moins populaire parmi nous que ces sublimes édifices faits par le peuple et pour le peuple. Nous leur en voulons de tous ces crimes des temps passés dont ils ont été les témoins. Nous voudrions effacer le tout de notre histoire. Nous dévastons, nous pulvérisons, nous détruisons, nous démolissons par esprit