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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/708

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EXPÉDITION D’AFRIQUE.

dire au choc, elles jaillissent à droite et à gauche en deux faubourgs longs et étroits. On n’aperçoit de ses maisons que leurs blanches terrasses, qui vont s’abaissant de plus en plus à mesure qu’elles s’éloignent davantage du point où l’on se trouve ; Alger apparaît alors tout semblable aux traces irrégulières qu’aurait laissées dans une montagne de craie le passage d’une population de géans. On a devant soi comme un immense escalier, auprès duquel celui de Versailles semblerait fait pour des Lilliputiens.

À sa dernière marche, vous pourriez mettre le pied sur un des bâtimens de notre escadre, qui s’étend là comme une cité flottante, une cité européenne venue se poser en face d’une ville africaine. C’est l’Europe se montrant à l’Afrique dans toute la puissance de sa civilisation. Au-delà la mer se déploie dans son immensité. À votre droite, le cap Matifoux projette ses contours hardiment découpés : derrière vous, sur la colline dominant la Casauba, le château de l’Empereur, avec son réduit écroulé, ses batteries ruinées, ses murs renversés, est semblable à un athlète étendu sous le coup mortel. Au-delà, mais dans la même direction, l’Atlas surgit aux confins de l’horizon ; puis, enfin, tout autour de vous une multitude d’élégantes villas, rayonnant de la ville comme d’un centre, s’éparpillent au milieu d’une campagne verdoyante, empressées qu’elles sont, après avoir franchi le mur d’enceinte, de s’épandre en liberté, au sortir de rues étroites, sans air, sans lumière, d’avoir leurs coudées franches, de respirer librement.

Parmi ces maisons les plus remarquables sont celles du dey et de l’aga, toutes deux entourées de vastes jardins. Toutes sont d’ailleurs bâties sur le même plan. Ce sont toujours, autour d’une cour carrée, deux étages de galeries soutenues par de légères colonnes, toujours le type de la maison mauresque ; type élégant et gracieux, que le caprice et le goût de l’architecte tourmentent de mille façons, mais ne vont jamais, fort heureusement, jusqu’à briser entièrement. De la cour pavée de marbre, à voir la pierre se plisser autour de soi, en légères ogives, au sommet des colonnes, on dirait une tenture, une mousseline, qu’une main d’artiste aurait pris soin de relever, de draper tout autour de vous. Un bassin d’eau occupe ordinairement le centre de la cour. Les jardins sont d’une simplicité qui rappelle ceux d’Homère ; des légumes, des vignes, quelques arbres fruitiers, voilà ce dont ils se composent. Ils sont arrosés par d’abondantes