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EXPÉDITION D’AFRIQUE.

tiennent beaucoup, à ce qu’il paraît, à se retrouver en famille au grand jour du réveil général.

Au-delà, dans la même direction, au milieu d’une terre rougeâtre, se font remarquer de petites maçonneries blanches, arrondies en dôme : c’est le cimetière des Juifs, qui sont là, isolés, parqués au sein de la mort, comme pendant leur vie ils l’ont été au milieu des hommes.

Aussi loin que puisse s’étendre la vue, et dans toutes les directions, la campagne se montre parée d’un luxe de végétation qui annonce une inépuisable fécondité. Cette terre renferme dans son sein des trésors qui sans doute en jailliraient au moindre choc de la charrue. Mais pour cette œuvre, croyez-moi, ne comptez pas sur les Bédouins. L’Arabe aime au-dessus de tout à errer, à vaguer en liberté sous son ciel toujours pur, toujours sans nuages. Il ne demande à la terre que de porter sa tente et de nourrir ses troupeaux. Elle ne lui a pas manqué jusqu’à présent. Il compte sur elle. Pour rien au monde il ne se décidera à clouer en place son habitation nomade, à se mettre des entraves aux pieds, à se courber sur une bêche, à se lier à une charrue.

Toute cette contrée, qui au milieu du jour éblouit les yeux des plus vives couleurs, peu d’instans avant que le soleil parût sur l’horizon, était encore plongée dans d’épaisses ténèbres. Mais à peine aurez-vous eu le temps de discerner à l’orient un seul point lumineux, que ce point aura rempli l’espace, que les montagnes et les vallées auront été inondées de flots de lumière. En sens inverse, il en est de même le soir. Le soleil, dépouillé de ses rayons, déjà touche à la fin de sa course, que la terre est encore resplendissante ; puis, tout-à-coup, comme à un signal donné, presque sans transition, sans dégradations de teinte, les ténèbres l’envahissent tout entière. À peine reste-t-il encore, égarées, oubliées au sein de l’obscurité, quelques lueurs pâlissantes qui vacillent pendant trois ou quatre minutes, au sommet des montagnes ou bien à la pointe des minarets. Le tableau a disparu tout aussi rapidement que si l’on avait soi-même fermé les yeux.


Un jour, bien que ce fût pour retourner en France, je cheminais assez tristement le long de ce rivage. J’avais vu la veille