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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/737

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REVUE DES DEUX MONDES.

pleurer ici-bas, et qui n’ait quelqu’un à retrouver là-haut : Hélas ! après cette vie pleine de morts, ne rencontrerons-nous pas un visage ami auquel nous puissions dire : Sois le bien-venu ?

Le destin reste muet derrière le masque ; les pleurs de l’homme demeurent obscurs sur la tombe, le soleil ne se réfléchit point dans les larmes.


La santé des animaux vient de ce qu’ils pensent encore moins que leurs maîtres ; celle des sauvages, de ce qu’ils vivent presque dans un état d’innocence ; la sottise aime un sol gras : de là l’embonpoint respectable des hommes vulgaires dans les emplois distingués, qui perdent tout le nérite que l’on a récompensé en eux, et cessent d’être dignes de leur place dès qu’ils l’ont obtenue.


Ah ! c’est un poids sur le cœur que de songer avec quelle facilité l’homme est oublié, soit qu’il repose dans une urne ou sous une pyramide, et combien vite on regarde comme absent notre moi immortel, lorsque, semblable à un comédien, il se tient seulement dans la coulisse, et qu’il cesse de se mouvoir ou de parler sur la scène.


La sincérité complète ne convient qu’à la vertu ; que l’homme qui n’est que soupçons et ténèbres ferme son cœur par de triples verroux ! que le méchant nous fasse grâce de son autopsie, et que celui qui ne peut ouvrir les portes du ciel laisse celles de l’enfer fermées !


Les hommes de génie s’attaquent avec plaisir à ceux qui leur ressemblent, comme les chiens de chasse qui, parmi tous les autres animaux, se plaisent davantage à courir le renard, quoiqu’il soit leur plus proche parent, et qu’il exhale l’odeur la plus fétide.