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ainsi que l’on attribue à un seul homme beaucoup plus de vertu, de sagesse et de génie qu’à tout un peuple.


L’amour de la patrie n’est qu’un cosmopolitisme plus restreint, et la philanthropie la plus sublime est le patriotisme du sage qui embrasse toute la terre. Dans mes jeunes années, la multitude des hommes m’affligeait souvent, parce que je me sentais dans l’impuissance d’aimer à-la-fois tant de millions d’individus ; mais le cœur est plus vaste que la tête, et l’homme le meilleur devrait se mépriser, si ses bras ne pouvaient s’étendre que sur une seule planète.


Il n’y a aucune commotion de l’âme contre laquelle il soit plus difficile de trouver un argument que contre la peur. Aussi ai-je renoncé depuis long-temps à en rechercher aucun ; je lui accorde volontiers tout ce qu’elle redoute de plus sinistre, et je me contente de me dire pour me prémunir contre l’impression qui peut résulter de mes appréhensions : Et quand cela serait !


Si la terre est couverte chaque jour d’un voile obscur, comme la cage d’un rossignol, c’est afin que nous puisions saisir plus facilement dans les ténèbres les mélodies célestes. Des pensées qui, le jour, ne nous apparaissent qu’enveloppées de vapeurs et de brouillards, se présentent à nous la nuit comme des flammes ou des torches éclatantes : de même que cette colonne qui flotte au-dessus du Vésuve, le jour elle semble une colonne de nuages, la nuit c’est une colonne de feu.


Si un mortel était transporté par un songe dans l’Élysée ; s’il y voyait des fleurs inconnues s’épanouir à ses yeux ; si un bienheureux lui en présentait une ; et lui disait : Garde-la pour te