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REVUE. — CHRONIQUE.

candeur de sa modestie, s’il était un Viotti, un Rode ou un Paganini. Comme vous avez démontré péremptoirement qu’il serait impossible et presque déshonorant d’être ambassadeur pour un traitement de 99,000 fr. ! On donne 6,000 fr. à M. Dulong, à M. Gay-Lussac pour enseigner la physique et la chimie ! Mais que sont les paroles de ces messieurs auprès des vôtres ? Ils enseignent à deux mille auditeurs les secrets de la science ; ils popularisent les découvertes qui souvent leur ont coûté bien des veilles et du courage. Mais votre parole, monsieur le comte, ne peut se comparer à leur parole. Quand vous saluez le roi d’Espagne et que vous l’assurez de l’amitié des Tuileries, vous rendez au pays un service inestimable. Si vous allez à Constantinople, comme je l’espère, vous rapporterez de la cour de Mahmoud un discours plus précieux encore que le dernier. Vous aurez trouvé pour votre pensée des formes plus fidèles et plus significatives encore. Vous direz plus nettement votre avis sur les affaires de la France. Vous demanderez une loi qui n’admette aux droits électoraux que les gens qui pourront prouver trois quartiers au moins. Et comme pendant votre séjour en Turquie, le système représentatif ne peut manquer de se perfectionner, vous trouverez à votre retour une amélioration parlementaire, dont vous saurez profiter. La chambre comprendra dans les fonctions de la questure le rôle de souffleur ; tous les discours récités à la tribune seront, avant l’ouverture de la séance, déposés au secrétariat. Vous pourrez ralentir ou hâter votre débit, sans craindre d’oublier la suite de votre improvisation. Vous aurez recueilli, dans la conversation des vizirs et du sultan, des fleurs d’éloquence que vous prodiguerez d’une main généreuse. Nous reviendrons au temps de Bossuet.

La France, n’en doutez pas, se montrera généreuse et reconnaissante, et vous ouvrira les portes du Panthéon. Elle placera votre image en Carrare ou en Paros, près des cendres de Voltaire et de Rousseau, dût-elle acheter à grands frais quelques débris de colonnes vénitiennes ou pisannes, pour ciseler plus finement vos traits majestueux, pour sculpter plus délicatement vos lèvres éloquentes.