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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/83

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DE LA LITTÉRATURE MARITIME.

de vaisseaux à l’ancre sous ses croisées, que n’en avait La Rochelle au temps de Louis xiii.

Ainsi l’art a gagné à cette diffusion de propriétés et de lumières ; la diffusion ne s’est faite que par le commerce, que par l’échange des communications, que par la navigation même.

Le marin est extrême en tout, cela doit être. La présence de la mer excite en lui le désir de la terre ; la présence de la terre, le désir de la mer. Il va perpétuellement de l’instinct impérieux du calme pour lequel il est né, comme les autres hommes, au besoin de reprendre ses habitudes d’isolement et de solitude agitée. Au milieu de l’orage, ou en proie aux indicibles langueurs d’une uniformité qui ne laisse pas distinguer le quantième du jour, le chiffre du mois ; dans cette vie étroitement encadrée, le marin rêve l’existence si facile et à la fois si complète de la terre. Surtout, c’est la campagne, ce sont les champs, les moissons, que la sympathie des contraires lui fait ardemment désirer de revoir. Pour deux pas de gazon, pour quelques touffes de lierre, pour un seul arbre qui s’arrondirait sur sa tête, que ne donnerait-il pas ? Que ne donnerait-il pas pour entendre monter, du fond du vallon, au moment où l’obscurité et les troupeaux descendent, le bêlement des chèvres, le cri du chien qui les rallie, la voix du maître qui appelle ; et tous ces bruits se mêler, se perdre, se nuancer, se fondre, s’éteindre sous des couches d’obscurité et de silence ? Son regard s’attacherait avec autant de joie à la chaumière où l’on fait du feu, que sur le phare qui signale le danger.

À peine a-t-il retrouvé la joie de ces rêves, qu’il en est fatigué. Le repos devient l’ennui ; et, d’ailleurs, les campagnes ne marchent pas. Au fond de la perspective perdue des bosquets, il cherche un peu d’eau qui termine, une ligne bleue qui soit la mer. Son œil a soif, comme la bouche du chamelier dans le désert. Il lui faut la mer, ses caprices, ses brusqueries, ses émotions. Il comprend, par l’amour qu’il éprouve à la revoir, que Dieu, dans la double répartition qu’il aurait pu faire des biens entre l’homme et la femme, à cette dernière aurait dû laisser la terre, à l’homme la mer. Buffon se demande quelque part quel est des deux, de l’homme ou du héros, celui qui est le plus