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CONSULTATIONS DU DOCTEUR NOIR.

tion, parce que l’un a l’inspiration, l’autre seulement l’attention ou l’aptitude d’esprit ; parce que le poète laissera une œuvre où sera écrit le jugement des actions publiques et de leurs acteurs ; parce qu’au moment même où ces acteurs disparaissent pour toujours à la mort, l’auteur commence une longue vie. Suivez votre vocation. Votre royaume n’est pas de ce monde, sur lequel vos yeux sont ouverts, mais de celui qui sera quand vos yeux seront fermés.

L’espérance est la plus grande de nos folies.

Eh ! qu’attendre d’un monde où l’on vient avec l’assurance de voir mourir son père et sa mère ?

D’un monde où de deux êtres qui s’aiment et se donnent leur vie, il est certain que l’un perdra l’autre et le verra mourir ?

Puis ces fantômes douloureux cesseront de parler et uniront leurs voix en chœur comme en un hymne sacré ; car la Raison parle, mais l’Amour chante.

Et vous entendrez encore ceci :


SUR LES HIRONDELLES.

Voyez ce que font les hirondelles, oiseaux de passage aussi bien que nous. Elles disent aux hommes : Protégez-nous, mais ne nous touchez pas.

Et les hommes ont pour elles, comme pour nous, un respect superstitieux.

Les hirondelles choisissent leur asile dans le marbre d’un palais ou dans le chaume d’une cabane, mais l’homme du palais ni l’homme de la cabane n’oseraient toucher à leur nid, parce qu’ils perdraient pour toujours l’oiseau qui porte bonheur à leur habitation, comme nous aux terres des peuples qui nous vénèrent.

Les hirondelles ne posent qu’un moment leurs pieds sur la terre, et nagent dans le ciel toute leur vie, aussi aisément que les dauphins dans la mer.

Et si elles voient la terre, c’est du haut du firmament qu’elles la voient, et les arbres et les montagnes, et les villes et les mo-