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et fins, mais non de premier ordre, tels que Mounier et Malouet, eut enfin de brillans développemens, car elle put montrer avec orgueil une femme de génie, madame de Staël, un grand jurisconsulte, M. le duc de Broglie, un grave historien, M. Guizot.

Madame de Staël, monsieur, avec son enthousiasme, avec l’étendue et la justesse de son esprit, eut la gloire de maintenir l’indépendance de la raison contre la dictature de la force et du génie qu’exerçait Napoléon : de plus elle voulut apprendre à la France ivre d’elle-même et de ses triomphes militaires que, dans d’autres pays, on avait aussi cultivé avec fruit la pensée et la liberté ; ainsi, en 1812, elle traça un tableau de l’Allemagne, divulgation éclatante et première d’un monde pour lequel nous n’avions eu jusqu’alors que le dédain de vainqueurs établis en pays conquis. Plus tard elle considéra la révolution française avec le dessein arrêté de nous faire surtout admirer M. Necker et l’Angleterre, c’est-à-dire que cette histoire était une leçon destinée à nous inculquer les principes de la légalité anglaise. Dans ses préoccupations, madame de Staël se trompa quelquefois : en luttant contre l’empereur, elle le méconnut ; en étudiant l’Allemagne et l’Angleterre, elle ne tint pas assez compte du génie et de l’originalité de la France. Mais si cette femme illustre eût vécu davantage, je ne doute pas qu’elle n’eût abandonné plusieurs de ses préjugés pour revenir au culte de ce qu’elle aurait reconnu plus grand et plus vrai ; il y a dans le génie de ces inconstances heureuses, de ces mobilités conquérantes qui lui font incessamment reculer les bornes de son horizon. Malheureusement madame de Staël a de trop bonne heure emporté avec elle l’enthousiasme dont elle échauffait son école, qui est restée après elle raisonneuse, sans imagination, studieuse, mais sans chaleur.

Je n’ai point à vous parler, monsieur, d’une personne d’un caractère élevé, d’un talent supérieur et spécial ; M. le duc de Broglie, qui excelle dans l’art de préparer et de rédiger les lois tant civiles que pénales, s’est abstenu jusqu’à présent d’exposer les principes généraux de sa philosophie politique.

Maintenant, monsieur, j’ai besoin de rassembler tout mon