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Le baron, qui avait fait suivre le couple amoureux, saisit l’instant où le jeune homme était sorti, pour envoyer son collier. Fossin venait de monter ce collier d’une manière merveilleuse. Il n’avait que deux rangs ; mais les pierres en étaient si belles, si éblouissantes, que la pomme du Paradis, qui tenta la première femme, n’approchait pas sans doute de leur éclat. Après tout, Jésus fut bien tenté par le diable.

L’émissaire du baron revint cependant à l’hôtel avec le collier. La jeune dame l’avait refusé : elle avait pleuré ; elle s’était emportée. Elle avait menacé, si l’on se représentait chez elle, de tout déclarer à son mari. Le refus de la jeune femme me soulagea d’un grand remords ; car j’étais la cause involontaire de sa tentation, et je ne me serais pardonné de ma vie, si elle eût succombé. Je relevai fièrement la tête devant le baron, et je développai un magnifique plaidoyer en faveur de l’amour et de la fidélité des femmes.

Je n’ose assurer cependant qu’il y eut parfaite conviction au fond de ma pensée. J’attendis le lendemain avec une grande anxiété. Le lendemain, Fossin rapporta le collier à l’hôtel. Un troisième rang de diamans avait été ajouté au collier. Les pierres qui composaient ce troisième rang surpassaient de beaucoup en grosseur les pierres du premier et du second rang. Elles étaient d’une eau magnifique ; pas un défaut ne ternissait leur transparence. Fossin offrit 200,000 fr. de ce troisième rang. Le baron sourit et envoya son valet de chambre chez la jeune dame. La femme de chambre voulut lui refuser la porte ; mais Giuseppe était un rusé coquin. Le baron, homme prudent et sachant vivre, avait eu soin de prendre à son service un valet de chambre italien : donc le valet de chambre et la femme de chambre se pourparlèrent, et le collier fut déposé, à l’insu de madame, sur sa toilette. Madame se fâcha, gronda sa femme de chambre, et estima le collier 400,000 francs, Giuseppe se permit de s’introduire dans l’appartement de madame. Le drôle osa demander une réponse. Quelle audace ! Pourtant la dame se fâcha moins fort cette fois : elle rendit le collier à Giuseppe non sans avoir beaucoup vanté sa richesse et son éclat. Elle pria le maître