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BRAUNSBERG LE CHARBONNIER.

dences étranges qu’il me tardait de surprendre à vif. Le secret de cette puissance occulte et infernale me dévorait à mon tour. J’avais soif de le connaître : je ne dormais plus. J’étais décidé à tout, pour me l’approprier. Il n’y a pas de crime atroce que je n’eusse commis alors, pour me rendre possesseur de ce secret terrible : c’était un délire, une folie dont je n’étais plus le maître. Je compris le crime alors pour la première fois. Je compris comment la voix de la nature et de l’éducation est étouffée quelquefois dans notre cœur par une passion qui nous domine. Je cherchai vainement à chasser de mon esprit ces atroces résolutions qui venaient chaque nuit ensanglanter mes rêves ! Efforts inutiles ! Afin de mieux épier le sommeil du baron, je feignis une grande compassion pour ses souffrances, et j’insistai pour qu’il me permît de coucher dans sa chambre. À force d’importunités, j’obtins ce que je desirais avec tant d’ardeur. Nous étions alors en Italie. Nous retournions de Naples à Rome. La première nuit, le baron dormit avec un calme imperturbable. Le lendemain, nous nous arrêtâmes dans un petit village, sur la limite du territoire napolitain, au pied d’une haute montagne, dans un site d’une effrayante aridité. Mon compagnon de route avait paru très agité tout le jour ; car l’atmosphère était chargée de vapeurs, et des gros nuages noirs promenaient l’orage à l’horizon. J’augurai bien pour mon projet de l’état d’accablement dans lequel je le voyais plongé. Il fit monter dans sa chambre, comme de coutume, la grande boîte, fermée par trois serrures à secret, qu’il avait apportée de Londres et attachée lui-même sur le devant de la voiture, pendant tout le cours de notre voyage. Je fixai un regard ardent sur cette boîte, qui contenait sans doute la source de ces trésors que je convoitais depuis si long-temps. Le baron se mit au lit : je l’imitai. Nos deux lits n’étaient séparés que par quelques chaises. Une lampe fumeuse éclairait seule la petite chambre où nous étions enfermés. J’avais eu le soin de cacher mon poignard sous mon oreiller. Le baron ne s’était aperçu de rien. Il n’avait pas même cherché la cause de ce feu inaccoutumé qui brillait dans mes yeux. Le baron se tourna et se retourna long-temps dans