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de ses caisses, et, après un moment d’incertitude, il avait poussé un ressort. — Le couvercle de la première caisse s’abaissait, et, à la lueur incertaine du fanal, Narcisse aperçut dans le fond trois figures. Quelles figures ! et ce n’était ni un Albinos, ni le grand Napoléon, ni sa sainteté le pape.

— C’est sans doute la caisse à la Passion, pensa Narcisse ; mais je ne vois pas le Christ.

En effet il n’y avait pas de Christ non plus.

— Après tout, pensa encore le fils du mercier, il ne les a pas habillées pour la route, de peur d’abîmer leurs costumes.

Mais voici que la scène change.

À un mot que dit le gros homme, les trois figures quittent le fond de la boîte, en sortent, et s’avancent empesées, droites et raides.

— Cet homme-là est un sorcier ou un furieux mécanicien, se dit Narcisse en sentant le froid lui gagner les reins.

Mais voici que les trois figures étendent les bras, se détirent, se secouent, et rajustent les haillons dont elles sont couvertes.

— Pour le coup, ceci devient trop poétique : c’est forcé ; ce n’est pas nature, pensa Narcisse en retombant glacé sur son oreiller.

Mais il voulut voir tout, jusqu’à la fin, le dénoûment de cette scène. Son âme de poète se tendit, fit effort, et Narcisse Gelin se redressa et continua de regarder. Quand il se remit à sa lucarne, le gros homme avait sans doute ouvert aussi la boîte à la Passion ; car, au lieu de trois, ils étaient six, sans compter l’industriel, six armés jusqu’aux dents, — et la lumière du fanal luisait, étincelait sur les lames de longs poignards, dont ils assuraient la garde dans leurs larges mains.

— Sommes-nous parés ? dit le gros homme à voix basse.

— Oui…

— Adieu ! — Vat ! fit le Curtius. — Et lestes et adroits comme des chats sauvages, ils se hissèrent par les deux panneaux entrouverts.

Narcisse Gelin n’eut pas la force de pousser un cri ; la sueur