Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/306

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
300
REVUE DES DEUX MONDES.

et de sa tenue ; ils n’attendaient point autant de dignité et de convenance d’un homme de sa profession. Son interrogatoire fut assez court, et il répondit avec assurance et bon sens à toutes les questions qui lui furent adressées. « Pourquoi avez-vous assassiné le duc de Berry ? — Dans l’intention de détruire la race. — Comment, étant simple ouvrier, avez-vous pu faire tant de voyages ? Et pourquoi de loin en loin, vous arrêtiez-vous ? — Je m’arrêtais pour gagner ma vie, quand mon argent était épuisé ; et avec de la sobriété et de l’économie, j’avais bientôt gagné de quoi me remettre en route. — N’avez-vous pas été attendri, quand vous avez appris que le duc de Berry, avant de mourir, avait demandé plusieurs fois votre grâce ? — Pardonnez-moi, monsieur. — Pourquoi n’avez-vous point abandonné votre projet, lorsque plusieurs fois vous avez senti le courage vous manquer ? — Je ne l’ai pas pu. — Qu’entendiez-vous, quand vous avez dit que c’était une rude commission que de tuer un prince ? — J’entendais que c’était une commission intérieure dont je m’étais chargé moi-même. — Vous saviez bien cependant que vous vous exposiez à la mort ? — C’était si peu de chose. Il ne faut voir en moi qu’un bon Français qui se sacrifie pour son pays. Si j’avais échappé, j’aurais persévéré contre le duc d’Angoulême, et tous les autres qui ont porté les armes contre la patrie, et qui l’ont trahie. Et puis, j’étais obligé de recommencer mon crime pour qu’on me saisît à un second ou à un troisième, et que je fisse ainsi délivrer toutes les personnes inquiétées à cause de moi. Il y en a assurément dix ou douze mille, et souvent bien mal-à-propos. J’ai vu, par la procédure, que des gens avaient été poursuivis pour un bouquet, pour un mot dit sans intention, et pour d’autres causes aussi futiles. » Après quelques autres questions, où l’accusé répéta ce que contenaient ses interrogatoires précédens, l’audience fut continuée au lendemain, pour entendre le procureur-général, sous prétexte que plusieurs de leurs Seigneuries étaient trop fatiguées pour tout entendre le même jour. Le président ajouta même que l’un des nobles pairs venait de mourir, victime de son assiduité aux débats. « Un jour de